1938-2022
Vous prenez un dictateur belliqueux cherchant à annexer des territoires d’un pays frontalier au sien, au prétexte que sa population est composée d’une ethnie proche de la population de l’état dictatorial. La nation menacée de perdre une partie de son territoire est une jeune démocratie, indépendante depuis quelques années et son intégrité territoriale est garantie par un traité international signé à la fois par l’état dictatorial et les principales puissances occidentales. Non, ce n’est pas l’actuelle crise ukrainienne que l’on évoque, mais la crise des Sudètes de 1938…
Le parallélisme entre la situation en Ukraine actuelle et celle prévalant en Tchécoslovaquie juste avant le déclenchement de la seconde Guerre Mondiale apparaît troublant ; parce que les mêmes motifs produisent toujours les mêmes effets ?
Pas toujours, car comme le constatait le sulfureux Céline, « l’Histoire ne se répète pas, elle bégaye ». Par exemple, Poutine à la manœuvre dans la crise ukrainienne n’est pas tout à fait comparable à Hitler bousculant l’ordre international pour annexer, après l’Autriche, la région des Sudètes partie intégrante de l’État tchécoslovaque en 1938.
Et pourtant le prétexte invoqué est le même dans les deux cas : c’est à la suite d’accords internationaux signés afin d’acter la fin de crises majeures ayant bouleversées la géographie des états européens (les traités de Versailles, de Saint-Germain-en-Laye créant entre autre la Tchécoslovaquie, de Sèvres, Trianon, Neuilly, en 1919 clôturant la Première Guerre mondiale de 1914-1918 ; les accords de Minsk de 1991 actant la fin de l’URSS et avec la création de la CEI – communauté des états indépendants – permettant à l’Ukraine comme aux autres pays de l’ex-URSS de devenir indépendants) que la Tchécoslovaquie comme l’Ukraine sont nés en tant qu’États.
Et dans les deux cas, l’Ukraine d’aujourd’hui comme la Tchécoslovaquie dans la première partie du XXe siècle, les populations sont composites : allemands des Sudètes d’une part, population russophile du Dombass de l’autre.
Et dans les deux cas, cela se passe en Europe centrale, et dans les deux cas les démocraties occidentales sont garantes de l’intégrité de ces pays, et se retrouvent dans la même position embarrassante de devoir soit s’opposer frontalement aux ambitions annexionnistes des dictateurs concernés, soit se soumettre comme ce fut le cas en 1938 avec les célèbres accords de Munich autorisant le Troisième Reich à mettre la main sur les Sudètes en espérant ainsi éviter la guerre qui se profilait, et n’obtenant qu’un sursis d’un an. Churchill dira à ce sujet : « Vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur. Vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ».
Le parallélisme s’arrête là. Car si risque de guerre il y a, d’une part le pire n’est jamais sûr ; et d’autre part, le contexte géopolitique de 1938 n’est pas celui de 2022. Et les États-Unis ne sont pas comparables au Royaume-Uni de Chamberlain et à la France de Daladier. Du moins peut-on l’espérer.
Denis Tardy