Chronique du jeudi 19 août 2021

 

MISTRAL

 

En sept lettres, comme au Scrabble pour accumuler les points, un mot polymorphe désignant à la fois un vent puissant, des engins de transport, un poète nobélisé et même d’anciens fonctionnaires sans oublier un bonbon mythique. Mistral, puisque c’est le mot dont il s’agit, très présent au sud du pays, mérite bien en cette période où la France méridionale est submergée par les vacanciers, quelques rappels historiques.

 

À tout seigneur, tout honneur: révérence au vent de Provence (bien qu’il naisse plus au nord, dans la Vallée du Rhône), le puissant Mistral dont le record de vitesse, mesuré en novembre 1967 au Mont Ventoux atteignait 320 km/h. De quoi justifier son étymologie, maestral en ancien provençal signifiant magistral. Normal donc qu’il fasse le beau temps plutôt que la pluie ce vent dont déjà dans l’Antiquité le géographe Strabon parlait dans sa Géographie.

Au demeurant, le mot mistral fait référence à de nombreuses histoires dans différents domaines.

Littéraire : Frédéric Mistral (1830-1914), qui reçu le prix Nobel de littérature en 1904, fut on le sait un acteur essentiel de la renaissance de la ‘’langue d’Oc’’. Le Félibrige qu’il créa en 1854 poursuit son action en faveur du provençal, s’appuyant notamment sur l’exceptionnel dictionnaire Lou Tresor dóu Felibrige (1879) et aussi sur de multiples initiatives : Arles, où Frédéric Mistral a créé le musée Arlaten, ne fut-elle pas le lieu de la découverte dans le Rhône il y a quelques années d’un buste de Jules César ? Le navire hydrographique de la Compagnie Nationale du Rhône, baptisé… Frédéric Mistral contribua à cette découverte.

Ferroviaire : créé en mai 1950, la liaison Mistral Paris-Nice fut électrifiée quelques années plus tard, donnant naissance à un train de luxe aux nombreuses innovations technologiques, tracté par les célèbres locomotives BB et CC, à 160 km/h. L’arrivée du TGV fit entrer le train Mistral dans la catégorie des trains de légende disparus.

 Croisière : Le Premier ministre Lionel Jospin était présent lors du baptême du paquebot Mistral (216 mètres de long, le plus important depuis le mythique ‘’France’’) en juin 1999 par la femme du capitaine de l’équipe de France de football championne du monde l’année précédente, Claude Deschamps. Il fut rebaptisé, suite à un changement de propriétaire, Grand Mistral en 2004, puis Costa NeoRiviera et aujourd’hui AIDAmira.

Militaire : navires encore, portant le nom de Mistral, mais militaires ceux-ci, témoignant aussi de l’histoire. Le premier, un torpilleur lancé en 1925,  ‘’s’illustra’’ en Méditerranée en s’échouant en 1930 au large de Sainte-Maxime… Bien que basé à Brest, il avait été construit à La Seyne-sur-Mer par Forges et chantiers de la Méditerranée. Ce navire, qui navigua aussi sous pavillon anglais, participa au débarquement de Normandie en 1944 où il fut gravement endommagé avant d’être démoli au début des années 1950. Mais la Marine française n’abandonna pas le nom de Mistral, le choisissant en 2000 pour des bâtiments de projection et de commandement (BPC, porte-hélicoptères). Deux de ces bâtiments vendus à la Russie firent l’objet d’une crise diplomatique et finalement revendus à l’Egypte en 2015. Toujours est-il que le premier de la classe, le Mistral, en service depuis décembre 2015, est basé à Toulon. Logique…

Fonctionnaire : retour très en arrière, au Moyen Âge, et non pas en Provence mais en Dauphiné et Pays de Savoie. Le mot mistral désigne alors des collecteurs d’impôts rémunérés pour leur activité par un pourcentage de ce qu’ils percevaient. Ces mistrals devaient aussi entretenir les moulins (avec ou sans lettres…) et les chemins.

 Culinaire : on aurait plutôt du parler de confiserie, mais on n’a pas résisté à la rime en ‘’air ‘’ pour l’énumération des différentes utilisations du mot mistral. Les plus anciens se souviennent peut-être du ‘’Mistral gagnant ‘’, un bonbon en poudre, dans un sachet muni d’une paille, fabriqué par la réglisserie de Lorette à Marseille. Le sachet initialement vert, devint bleu pour faire référence à la couleur du train Mistral (lire ci-dessus). Le nom ‘’gagnant’’ renvoyait à un papillon glissé dans certains des sachets donnant droit à un autre de ces bonbons gratuitement. Souvenirs, souvenirs de Mistral gagnant : en 1985, le chanteur Renaud en fit on s’en souvient une délicieuse et nostalgique évocation de son enfance.

Autant en emporte le mistral…

Denis Tardy

 

 

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