RÉFRACTAIRES

 

Des refus, ceux d’aller voter aux élections régionales et départementales d’une part, ceux de la vaccination contre la Covid-19 d’autre part, ont été particulièrement mis en évidence ces derniers jours. De tout temps, il y eu des attitudes réfractaires à des décisions ou injonctions de l’autorité publique en France. On pense entre autre, dans des périodes relativement récentes, au refus du service militaire au nom de l’objection de conscience, au refus des transfusions sanguines et…vaccinations par les Témoins de Jéhovah. Les conceptions philosophiques, religieuses justifient-elles, dans une société démocratique, de se placer au-dessus des lois ? Et de tels phénomènes sont-ils inéluctables et appelés à croître ?

 

Le scrutin des élections régionales et départementales a été entaché, cela a été suffisamment souligné, par une forte abstention. Réfractaires au vote, les français ?

Gageons que pour la prochaine présidentielle de 2022, le pourcentage des abstentionnistes sera comparable à celui de 2017 (22,2 % au premier tour, 25,4 % au deuxième). Et puis un coup d’œil sur les résultats des élections présidentielles des États-Unis (pays réputé pour connaître des records d’abstention) permet d’observer que le nombre de votants ne connaît pas un mouvement de baisse continue sur le long terme : 48,9 % en 1924, 49 % en 1996 (après six scrutins où le nombre de votants oscillait entre 50 et 55 %), mais depuis il n’a cessé d’augmenter pour atteindre entre 65 à 69 % en 2020. L’abstention massive n’est pas une fatalité.

Autre phénomène de réfractaires mis en évidence ces derniers temps, celui des français refusant de se faire vacciner contre la Covid-19 : selon une étude menée par le CHU de Bordeaux (et publiée dans The Lancet) ils représenteraient presque un tiers des français (étude réalisée en juillet 2020). Merci à Michèle Rivasi, députée européenne (et à d’autres du même acabit) qui déclarait le 1er avril (ce n’était pas un poisson) 2015 : « Aujourd’hui les vaccins créent plus de problèmes qu’ils

n’en résolvent ». Deux ans plus tard, elle partait en guerre contre l’obligation vaccinale pour les nourrissons. Même son parti EELV a pris ses distances.

Parmi les opposants de longue date à la vaccination (ce qui ne semble plus être le cas aujourd’hui), les Témoins de Jéhovah, mouvement né aux États-Unis à la fin du XIXe siècle. Ils sont environ 130 000 en France. Lors du premier confinement contre la Covid-19 en mars 2020, cette organisation expliquait : « Les évènements que nous vivons montrent plus que jamais que nous vivons la fin des derniers jours… » Les Témoins de Jéhovah sont également opposés aux transfusions sanguines, tout comme ils l’étaient au service militaire, ce qui en fait un… bataillon de réfractaires si l’on ose écrire. Et cela nous amène à évoquer ces personnes s’opposant à servir sous les drapeaux au nom de leurs conceptions philosophiques. En 1963, on leur fit un uniforme, pardon un habit sur mesure, le statut des objecteurs de conscience : 2 500 jeunes accomplirent ainsi un service aménagé, d’une durée deux fois supérieure à celle du service militaire, entre 1964 et 1972. Malgré cela, fin janvier 1974, 14 654 personnes étaient recherchées pour insoumission, et en avril de cette même année, 284 étaient incarcérés. Comme le service militaire est suspendu depuis 1997, la question ne se pose plus.

On se souvient que l’actuel président de la République a évoqué il y a quelques temps les français comme des « gaulois réfractaires ». De là à penser que ces réfractaires, en renvoyant à la société avec… chaleur leurs opinions minoritaires, arrivent à la séduire…

Denis Tardy