VACCINS
Margaret Keenan, 90 ans, a été le 8 décembre dernier la première vaccinée contre la Covid-19 en Europe. Comme James Phipps, huit ans, fut en 1796 le premier vacciné (quoique…) contre la variole, merci Edward Jenner, ‘’père de l’immunologie’’. Un retour aux sources britanniques, cette vaccination contre la Covid-19 ? Après Jenner, il y eu un français, Pasteur (1822-1895), un allemand aussi, Robert Koch (1843-1910) qui firent progresser considérablement la vaccinologie. Non sans coups bas. En sera-t-il de même avec les centaines (trois-cent-vingt-et-un selon l’OMS en octobre 2020) promoteurs de projets de vaccins contre la Covid-19 ?
Edward Jenner, ce médecin anglais avec lequel débute l’histoire des vaccins aux prémices du XIXe siècle, mérite bien un coup de chapeau alors que la course au vaccin contre la Covid-19 fait… rage aujourd’hui. D’autant que ses travaux ont abouti à ce qu’en 1980, la variole a été éradiquée. Mais de plus, Jenner illustre une problématique bien connue, celle de l’identification de celui à qui l’on attribue la paternité d’une découverte : on pense à la pénicilline et aux antibiotiques, crédités à un autre britannique, Fleming, alors qu’une trentaine d’années auparavant, un médecin militaire de Lyon, Ernest Duchesne à l’initiative du microbiologiste Gabriel Roux avait déjà fait la découverte que certaines moisissures pouvaient neutraliser des bactéries. Et bien, dans le cas de Jenner, il en fut de même : une vingtaine d’années avant, un certain Benjamin Jesty (1736-1816) avait déjà immunisé sa femme et ses deux fils avec une vaccination contre la variole…
Louis Pasteur, l’une de nos gloires nationales pour avoir fait progresser considérablement les recherches fondamentale et appliquée, lui aussi mais volontairement à l’inverse de Jenner, se fit attribuer la paternité d’un vaccin, contre la maladie du charbon. En concurrence avec un vétérinaire, Henry Toussaint (1847-1890), qui avait présenté en 1880 un vaccin probant contre le charbon (le 20 août, tous les moutons survécurent) ; Pasteur contesta la véracité des résultats et présenta un an plus tard son propre vaccin… qui avait été conçu selon le modèle de Toussaint, sans que l’origine de cette découverte fut attribuée à Toussaint. Au reste, Toussaint, atteint par une maladie invalidante déclinait. Jean Théodoridès (1926-1999, membre du CNRS) écrivit à ce sujet : « Il est piquant pour ne pas dire choquant de voir Pasteur accuser [Toussaint] de lui prendre ses idées alors que c’est précisément lui qui a utilisé [ses] procédés ». Pasteur reçut la Grand-Croix de la Légion d’honneur pour ce vaccin et fut élu à l’Académie française… Au reste Pasteur était coutumier du fait : alors que Pierre-Victor Galtier avait présenté le premier vaccin contre la rage en 1880, Pasteur en prit connaissance, dénigra ses travaux, qu’il reprit ensuite pour s’en attribuer le mérite.
Dans le même registre, on ne saurait oublier Robert Koch, prix Nobel de médecine/physiologie en 1905, qui avait identifié en 1882 la bactérie responsable de la tuberculose portant depuis son nom ‘’bacille de Koch’’. Fort de son succès et de la reconnaissance de la communauté scientifique de l’époque, l’année suivante, il isole l’agent microbien du choléra, en Égypte… ce qui avait déjà été fait par l’italien Filippo Pacini (1812-1883) en 1854 dans l’indifférence générale! Koch de plus, ‘’démontra’’ le rôle de l’eau dans la transmission de cette maladie… ce qu’avait déjà établi John Snow (1813-1858), un médecin britannique en 1855…
Un dernière pour la route : le syndrome de Bannwarth porte le nom du neurologue allemand qui le signala en 1941… alors que les médecins français Garin et Bonjadoux avaient décrit des cas en 1922.
« In science, the credit goes to the man who convinces the world, not to the man to whom the idea first occurs » écrivait Charles Darwin. En effet.
Denis Tardy
PS : Les éditions LivresEMCC s’apprêtent à publier, en début de l’année prochaine, une histoire des infections à Lyon, ouvrage d’importance consacré à 2 000 ans d’histoire sanitaire de la région, à l’initiative du professeur Jean Freney, bactériologiste médical. Vous pouvez parcourir le synopsis et commander l’ouvrage en cliquant sur ce lien : http://www.livresemcc-jdidees.com/commercialisation/infections/