ENFANTS SOLDATS
Une fois encore, un soldat français de l’opération Barkhane est mort au Sahel, et deux de ses camarades ont été blessés jeudi 22 juillet. Le porte-parole de l’État-Major a parlé « d’un ennemi qui est sur le reculoir, qui est aux abois… mais encore capable de porter des coups » ; et faisant feu de tout bois, si l’on ose ajouter ? Quelques jours plus tôt en effet, la responsable de l’ONG ‘’Vision du monde’’ rappelait que sur 250 à 300 000 enfants soldats dans le monde, 120 000 combattaient au Sahel ; leur âge : à partir de 7 ans. Ce constat est aussi dressé par le commandant de la force Barkhane, déplorant que la branche sahélienne du groupe État islamique ait recours « à des enfants soldats endoctrinés et entraînés ». Enfants soldats? Le dévoiement ne date pas d’aujourd’hui.
Alfred Czech, décoré de La Croix de fer lors de la bataille de Berlin en 1945 alors qu’il n’avait que 12 ans ; les Fighting children de la guerre de Sécession, comme Ernest Wardwell, 15 ans expliquant « je voulais avoir un revolver et devenir un homme » ou encore John Sloan, 13 ans, qui monte à l’assaut à la bataille de Farmington ; le berger Nicolas qui conduit la croisade des enfants à partir de Cologne en 1212; Jeanne d’Arc, 17 ans, qui entreprend de délivrer le royaume de France de l’occupation anglaise ; les enfants combattants du ghetto de Varsovie en 1943 ; on pourrait multiplier les exemples, à différentes époques historiques, de ce que l’on qualifie aujourd’hui d’enfants soldats. Mais on souhaite mettre l’accent à propos de ce sujet sur deux périodes de l’histoire de notre pays correspondant aux débuts de la première et de la troisième républiques.
« De Barra, de Viala, le sort nous fait envie // Ils sont morts, mais ils ont vaincu… » entonnaient les armées révolutionnaires à partir de 1794 avec le Chant du départ. La Convention en 1793, décrète le transfert au Panthéon du jeune tambour Joseph Barra, engagé au 8e régiment de hussards et tué à 14 ans, en Vendée. Il en sera de même pour Joseph Agricol Viala, tué en Provence à 12 ans en 1793 : un acte de bravoure lui vaudra d’être ‘’panthéonisé’’ sans toutefois que le transfert soit réalisé (mais son nom est gravé sous l’Arc de Triomphe de Paris) : même sort pour Barra, le transfert ne sera jamais réalisé. Après tout, est-ce un mal pour le roman national ? Car tous les deux trouvèrent la mort dans des combats fratricides entre français. En revanche, Pierre Bayle, tambour dans le huitième bataillon de l’Aude, tué en Espagne en 1794 à 11 ans, bénéficia d’un hommage solennel en… 1998.
On franchit presque un siècle, de nouveau notre pays connaît une république naissante. La troisième. Le ministre de l’Instruction publique, Paul Bert (1833-1886) créé les bataillons scolaires, entendez une formation prémilitaire, étalée pour les écoliers de 7 à 14 ans, avec uniformes, défilés pour le 14 juillet, exercices de tir avec des fusils adaptés… Paul Bert, dans un contexte nationaliste de revanche à la suite de la guerre perdue de 1870-1871, expliquera lors d’un banquet avec les instituteurs : « Nous voulons pour l’école des fusils… oui, le fusil, le petit fusil que l’enfant apprendra à manier dès l’école, dont l’usage deviendra pour lui chose instinctive qu’il n’oubliera plus et qu’il n’aura pas besoin d’apprendre plus tard… »
D’ici à ce quelques hurluberlus pétitionnent pour débaptiser les rues Paul-Bert, les 180 écoles, collèges, lycées portant son nom, et que l’on déboulonne sa statue à Auxerre…