Chronique du lundi 25 mai 2020

REBOND

 

C’était le 17 mai dernier et le président de la République commémorait à Montcornet dans l’Aisne les quatre-vingts ans de la contre offensive menée par le colonel De Gaulle, en pleine campagne de France de 1940 catastrophique pour l’armée française. Avec le recul historique, ce fait d’armes est considéré comme le préambule de l’Appel du 18 juin, ou si l’on préfère comme le signe que le nageur France ayant atteint le fond su donner le coup de pied pour entraîner son retour à la surface. Pourtant, dans cette calamiteuse campagne de France, on ne saurait oublier que d’autres sauvèrent l’honneur comme l’armée des Alpes demeurée invaincue. Toujours est-il que des défaites glorieuses (Montcornet n’a pas empêché la débâcle), annonciatrices de victoires futures, il y en eu de nombreux exemples : retour sur Malplaquet (1709), Sidi Brahim (1845) et à l’étranger sur Pearl Harbor (1941).

 

Le général François Sevez, vous connaissez ? C’est pourtant lui qui signa pour la France, à Reims, le 7 mai 1945 à 2 h 41, l’acte de capitulation du Troisième Reich, un deuxième texte de reddition étant signé le lendemain à Berlin à la demande de Staline. Notre pays, laminé en 1940 par l’armée allemande, se retrouvait dans le camp des vainqueurs, après cinq ans d’une guerre que le colonel De Gaulle, constatant qu’elle commençait « infiniment mal », envisageait dès la bataille de Montcornet, « qu’elle continue, il y a pour cela de l’espace dans le monde »¹. Un mois après cet épisode, il lançait son appel du 18 juin depuis Londres et commençait à mobiliser les Forces françaises libres. Non sans rappeler que l’armée des Alpes fit, dans la débâcle de 1940, mieux qu’à Montcornet, en demeurant invaincue, on veut bien reconnaître que ce combat de Montcornet (une escarmouche diront certains) s’apparente au coup de pied du nageur en perdition touchant le fond qui lui permet de remonter à la surface. Des exemples comparables, il n’en manque pas dans l’histoire.

Parmi les points communs entre De Gaulle et Louis XIV, le nez… bourbonien. Et aussi la capacité de ‘’rebond’’ comme on dirait aujourd’hui : la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714) en offre l’exemple, avec des défaites qui s’accumulent pour les troupes françaises (Blenheim 1704, Ramillies 1706, Audenarde 1708 entre autres) jusqu’à cette indécise bataille de Malplaquet (1709), toutes proportions gardées un peu comme Montcornet, qui ouvre la voie à la victoire de Denain (1711) et au traité d’Utrecht (1713) où la France s’en tire plutôt pas mal…

L’avenir de la France n’était pas en jeu lors du combat de Sidi Brahim en 1845, en Algérie, mais le processus est comparable : un héroïque fait d’armes des chasseurs à pied français luttant contre les troupes d’Abd-el-Kader à un contre dix ou cent, écrasés sous le nombre, mais la capacité de rebond de l’armée française fera que deux ans plus tard, c’est sur les lieux mêmes de Sidi Brahim que sera reçue la reddition d’Abd-el-Khader.

Quant à l’attaque à Pearl Harbor des forces américaines par les armées japonaises en décembre 1941, désastre national américain au point que chaque 7 décembre, le drapeau américain est encore mis en berne, là encore ce fut une défaite source de rebond : six mois plus tard, les États-Unis prenaient leur revanche à Midway, et le 2 septembre 1945, la capitulation du Japon mettait fin à la Seconde Guerre mondiale.

De là à penser que la défaite actuelle contre le Covid-19 se transforme dans quelques semaines ou quelques mois en victoire…

Denis Tardy

¹ Mémoires de guerre de Charles De Gaulle.

 

Retour