Chronique du jeudi 14 mai 2020

 

MÉDECINE ACADÉMIQUE

 

Comme ils sont immortels, les académiciens français ne peuvent qu’avoir un regard particulier et… distancié (c’est d’actualité) avec la maladie ; y compris les médecins membres de cette auguste assemblée, ils sont deux actuellement. Ainsi il y a quelques jours, veillant encore et toujours au bon usage de la langue française, l’Académie a-t-elle préconisé le genre féminin pour le mot Covid-19. Parce que beaucoup de noms de maladies relèvent du même genre ? Un épisode de plus des relations, oscillant entre reconnaissance et ignorance, entre le monde de la santé et celui de l’Académie française.

 

Quitte à froisser les féministes, on remarquera que les noms des maladies relèvent le plus généralement du genre féminin : peste, lèpre, tuberculose, poliomyélite, grippe, variole, diphtérie, rougeole et autre rubéole, fièvre jaune, malaria, et autres myopathies… avec quelques exceptions notables : cancer, diabète, sida, paludisme, tétanos. Mais on sait que ce n’est pas pour cette raison que l’Académie française a préconisé il y a quelques jours l’usage du genre féminin pour le mot Covid-19. Une académie où siège actuellement deux médecins, Jean-Christophe Rufin, reçu en novembre 2009 par Yves Pouliquen (ophtalmologue décédé en février dernier) et le biologiste Jules Hoffman depuis 2012. Ont-ils été déterminants dans la décision de l’Académie ?

Au reste l’Académie a toujours ‘’recruté’’ des médecins : celui qui soigna la reine Marie-Antoinette, Félix Vicq d’Azyr, décédé en 1794, mais aussi le grand Claude Bernard (1813-1878), et au siècle dernier Henri Mondor, Jean Bernard, Jean Hamburger sans oublier Georges Duhamel qui, lui, a laissé une trace notable dans la littérature.

Pourtant dès 1845, Arsène Houssaye, qui ne fut jamais candidat à l’Académie française, en publiant son Histoire du quarante-et-unième fauteuil de l’Académie française mettait l’accent sur les écrivains majeurs qui n’avaient jamais fait partie des immortels : le titre de ce livre renvoyait au nombre de fauteuils chez les ‘’Quarante’’… Depuis La parution ce livre, le siècle dernier a encore illustré les « trous dans la raquette » comme on dirait aujourd’hui : en témoigne le médecin Louis-Ferdinand Destouches, l’écrivain Céline si l’on préfère, l’auteur du Voyage au bout de la nuit et non pas des pamphlets antisémites faut-il le préciser. Surtout, dès le XVIIe siècle et les premiers pas de l’Académie, l’auteur du Malade imaginaire, du Médecin malgré lui, de L’Amour médecin, Molière donc, monument de notre patrimoine littéraire, ne siégea pas aux côtés de Corneille et Racine.

En revanche quelques siècles plus tard, le 7 novembre 1946, Jules Romains auteur de la comédie célébrissime Knock ou le Triomphe de la médecine (encore très actuelle…) est reçu sous la Coupole par Georges Duhamel, médecin reconverti en littérature après la Première Guerre mondiale.

Denis Tardy

 

Retour