MÉDECINS
Cherchez bien parmi les présidents de la République, les présidents du Conseil et autres Premiers ministres depuis des lustres : les médecins ayant accédé à ces hautes fonctions se comptent sur les doigts d’une seule main. Il y eu Émile Combes (1835-1921), et encore, ce fut une vocation tardive ; Georges Clemenceau, eh oui, on l’oublie ; et Henri Queuille (1884-1970). Dès lors que quelques agités du bocal souhaitent favoriser la candidature du professeur Didier Raoult à la présidence de la République, on pourrait se demander s’ils ne cherchent pas à combler un manque…
Des médecins maires, présidents de conseils départementaux, sénateurs, députés, ministres même, il y en a eu, il y en a encore des flopées. Mais aucun toubib ne fut président de la République et sauf erreur, seulement trois chefs de gouvernement, entre 1815 et aujourd’hui (sur cent-soixante-et-onze) étaient docteur en médecine. Cela fait peu, notamment au regard de la pléthore d’avocats ayant monopolisé ces hautes charges.
C’est parce qu’il y a quelques jours, une page Facebook intitulée « Raoult Didier président de la République pour 2022 », mobilisant paraît-il vingt-cinq-mille personnes avec le slogan « celui qui sauve des vies est capable de sauver le pays » [sic], que l’on s’est plongé dans la recherche des présidents de la République et chefs du gouvernement qui ont été médecins. La moisson a été maigre. Aucun président de la République depuis Louis-Napoléon Bonaparte et seulement trois présidents du Conseil dont au moins deux méritent que l’on s’attarde, car leur mode d’exercice de pouvoir se situent à l’opposé l’un de l’autre et qu’après tout, ils matérialisent deux visions radicalement opposées face aux crises.
Georges Clemenceau tout d’abord : soyons honnête, on avait oublié qu’il avait obtenu son doctorat en médecine le 13 mai 1865 avec une thèse intitulée De la génération des éléments anatomiques. Pas sûr en revanche, qu’il ait exercé avec assiduité son métier… À l’inverse, en politique et en particulier lorsqu’il fut au pouvoir, spécialement à partir de 1917, ce fut un battant, hyperactif, tranchant sur tout sans y mettre beaucoup les formes. Serait-il un modèle pour ceux qui sont chargés de lutter contre les crises, sanitaire et économique liées au Covid-19 ?
À l’opposé, un autre docteur en médecine, généraliste à Neuvic (Corrèze) en 1908, ministre à de nombreuses reprises sous la IVe République et président du Conseil de septembre 1948 à octobre 1949 puis de nouveau de mars à juillet 1951 : Henri Queuille fut brocardé comme « Docteur tant mieux, le président pas de problèmes », pour tout dire pour son immobilisme. Il aurait dit : « La politique, ce n’est pas de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent ». Plus concrètement, Henri Queuille n’avait-il pas appliqué à la politique le principe de base de la médecine : 95 % des malades guérissent naturellement ?
Question : Édouard Philippe, Emmanuel Macron aujourd’hui, sont-ils face au Covid-19 plutôt Georges Clemenceau ou plutôt Henri Queuille ?
Denis Tardy