Chronique du jeudi 9 avril 2020

 

RHÉTORIQUE GUERRIÈRE

 

Après avoir à six reprises, le 16 mars dernier martelé « Nous sommes en guerre », le président Macron dans sa péroraison annonçait : « Nous gagnerons… le jour d’après quand nous aurons gagné »… Souvenirs, souvenirs : du maréchal Le Bœuf, dont l’armée était prête jusqu’aux boutons de guêtres pour affronter les prussiens avant la guerre de 1870-1871 ; de Paul Reynaud affirmant en mai 1940 « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts » ; du président des États-Unis Herbert Hoover annonçant un futur radieux sur « Les bases prometteuses » de l’économie américaine le 25 octobre 1929…

 

Clemenceau  prétendait, en 1887, que « La guerre est une chose trop grave pour la confier aux militaires ». Peut-être, et ce qu’il réalisa trente ans plus tard en contribuant avec les Alliés à gagner la Première Guerre mondiale, semble lui donner raison. Tout comme semble lui donner raison l’incapacité de l’armée française face aux troupes prussiennes lors de la guerre de 1870-1871, alors que le ministre de la guerre le maréchal Le Bœuf avait affirmé : « Nous sommes prêts et archi-prêts. La guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats »… Faut-il rappeler le désastre militaire de l’armée française ?

Mais force est de constater qu’un président du Conseil, un civil, à la tête du gouvernement en 1940, Paul Reynaud, n’hésitait pas à affirmer que « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ». C’était lors d’une allocution radiodiffusée et l’on connaît la suite. N’en déplaise à Clemenceau, pas plus les hommes politiques (civils) que les grands chefs (militaires) n’ont été plus lucides lors de conflits.

En plus, pourquoi faudrait-il faire appel aujourd’hui à la rhétorique guerrière, ainsi que le font  Emmanuel Macron et beaucoup d’autres, alors que l’on n’est pas en guerre ? La meilleure preuve, c’est que l’on n’imagine pas le virus en cause signer un traité de paix avec les humains…

On ajoutera que lors de crises mondiales ayant ébranlé les fondements de notre société, les responsables civils n’ont pas toujours été clairvoyants : le président des États-Unis Herbert Hoover (un républicain comme Trump…) déclarait le lendemain du ‘’Jeudi noir’ ouvrant la ‘’Grande dépression’’ : « Les activités fondamentales du pays reposent sur des bases saines, très prometteuses pour l’avenir »…

Nous ne sommes pas en guerre (avec le Covid-19) mais en crise cruciale ; les mots ont un sens. Responsables politiques, militaires, et beaucoup d’autres encore, en premier lieu les intervenants sanitaires ont toute leur place dans la lutte contre la menace. On ne peut que souhaiter que la conjonction de leurs efforts contribue à nous tirer de ce mauvais pas.