ANNÉES 20
Enfin 2020 vint avec ses (vains ?) vœux. Plutôt que de jouer au devin, cette chronique, dans le prolongement de celle de la semaine dernière interroge le passé : après avoir évoqué ce qui se passait aux tous derniers jours de 1919 et aux tous premiers de 1920, on cible cette fois 1820, 1720, 1620, toujours avec le souci de souligner la persistance, à quelques siècles, d’enjeux toujours d’actualité, qu’il s’agisse de glaciers, de système financier, de migrants.
Après les islandais qui en août dernier ont organisé une marche funèbre à la mémoire du glacier Okjökull, les suisses ont fait de même un mois après pour commémorer l’ancien glacier Pizol, autre victime du réchauffement climatique. « Depuis 1850 », expliquait un scientifique suisse, Matthias Huss, « on estime que plus de cinq cents glaciers, dont cinquante avaient un nom, ont complètement disparus » dans son pays. Des glaciers qui dans les Alpes ont connus leur plus grande avancée deux siècles auparavant, en 1820… pour être honnête entre 1814 et 1825. Deux cents ans pour un déglaçage, sûr que même l’inventif chef de cuisine alpin Marc Veyrat ne connaissait pas…
Allez, encore un siècle : on est en 1720 ; un financier écossais, John Law, met en place dans notre pays un ‘’système’’ censé desserrer l’étau de la dette de l’État français. Vous avez dit dette de l’État français en 2020 ? Pour l’instant, les banques centrales mondiales avec leur inondation de liquidités sur le marché (dans ‘’l’ancien monde’’, on utilisait l’expression planche à billet, billets introduits dans notre pays par Law soit dit en passant…) ont réussi l’exploit qu’au jour d’aujourd’hui, les États empruntent à des taux négatifs. Jusqu’à quand ? Petit rappel : le ‘’système’’ Law s’effondra, en 1720 justement.
Et puis on arrive en 1620, avec ses pilgrim fathers, les pères pèlerins, qui embarquent depuis Plymouth, en Angleterre, à bord du bateau mythique le Mayflower pour gagner l’Amérique du nord. Un bateau ? Une coquille de noix plutôt, de vingt-huit mètres de long, à titre de comparaison les trimarans de la classe Ultime actuelle ont une longueur comprise entre vingt-trois et trente-deux mètres… La centaine de passagers du Mayflower, des puritains, fuit les persécutions religieuses et ils seront à l’origine d’une colonie dans l’actuel état du Massachusetts, préfigurant les futurs États-Unis. Les migrants d’aujourd’hui vers les États-Unis se heurtent au mur que Donald Trump tente d’achever à la frontière avec le Mexique… Pourtant si les pilgrim fathers ont pu faire souche, après un premier hiver qui a décimé leurs rangs, c’est grâce aux indiens autochtones qui fournirent dindes sauvages et maïs et furent ‘’remerciés’’ par l’action de grâce que constitue encore Thanksgiving et sa traditionnelle dinde. Pour le reste, la population amérindienne de l’Amérique du nord, de plusieurs millions d’habitants à l’époque du Mayflower, n’était plus constituée que de vingt-six mille personnes en 1870… Et il fallut attendre 1924 pour que la citoyenneté américaine soit accordée aux indiens.
Denis Tardy