CATHÉDRALES
Rarement cette chronique, toute entière axée sur la présence du passé dans les problématiques actuelles n’aura montré toute sa pertinence avec l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Un événement qui mobilise le plus grand nombre à propos d’un témoignage matériel d’un monde défunt croyait-on, mais formidablement vivant en réalité. On laisse aux nouvelles technologies le soin de mesurer leur peu de poids dans le monde réel : elles permettraient d’aller sur la planète Mars mais sont incapables d’accroître l’efficacité de la lutte contre un simple incendie tout comme de faire prendre conscience du supplément d’âme d’un monument. Au demeurant, les incendies de cathédrales, cela ne date pas d’hier, en France, en Angleterre ou en Allemagne.
« Londres flambe [bis], quelle affaire [bis], au feu ! [bis], pas d’eau, rien à faire » : cette chanson pour enfants bien connue renvoie au grand incendie de la capitale britannique début septembre 1666. La cathédrale Saint-Paul, quatrième bâtiment de ce type sur le site est détruite. Au VII° siècle un incendie avait déjà détruit la cathédrale qui, reconstruite, fut détruite à nouveau par les vikings au IX° siècle ; reconstruite encore, un incendie mis fin à ses jours en 1087. La quatrième cathédrale donc, avec le grand incendie, disparaissait, la cinquième échappant de peu à la destruction en 1940 lors des bombardements allemands. La cathédrale de Coventry elle, fut entièrement détruite par la Luftwaffe en novembre 1940. Un nouvel édifice fut reconstruit à côté, six ans s’écoulèrent entre la pose de la première pierre (1956) et la consécration (1962) mais ce n’est plus une cathédrale gothique.
Toujours en Angleterre la cathédrale d’York, immense vaisseau gothique, a connu un sort comparable à celui de Notre-Dame de Paris ; c’était en 1984, la faute à la foudre. Les autorités ne firent pas pour la reconstruction le même choix radical qu’à Coventry.
Et dans notre pays, la cathédrale de Rouen (celle que le peintre Claude Monet a représenté à de multiples reprises) elle aussi a connu de multiples incendies : en 1822 avec la foudre, en 1940 et surtout en 1944. La cathédrale sera réouverte en 1956 en présence d’un président de la République, René Coty. La cathédrale de Saint-Malo également, bombardée en 1944, fut remise en état. Et en Allemagne, la cathédrale de Cologne, bombardée par les Alliés, a été relevée ; tout comme la cathédrale de Vienne, sévèrement endommagée durant le deuxième conflit mondial (elle avait déjà été bombardée au XVI° siècle par les ottomans puis par l’armée de Napoléon au XIX° siècle) fut réouverte en 1952.
Et puis il y eu la cathédrale de Reims : elle fut la cible de près de trois cent obus allemands durant la Première Guerre mondiale. Dès 1919, un ingénieur, Henri Deneux, remplace la charpente en chêne par une structure plus légère et ininflammable, constituée avec des éléments préfabriqués en béton armé reliés par des clavettes en chêne, en s’inspirant de l’architecte Philibert Delorme et de sa méthode des ‘’petits bois pour construire à moindre frais’’. Certes, la cathédrale de Reims a retrouvée tout son éclat, mais les restaurations sont encore en cours, notamment sur la façade occidentale et ses sculptures. Et à Nantes où la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul vit ses toitures et charpentes partir en fumée en janvier 1972, l’édifice a connu trois ans de fermeture, puis des travaux s’étalant durant une quarantaine d’années.
Démonstration, s’il en était besoin, qu’il faut laisser le temps au temps pour reconstruire Notre-Dame de Paris.
Denis Tardy