JEUNES FILLES
« Je suis jeune il est vrai, mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années ». L’Académie française, qui vient (jeudi 28 février) d’accepter la féminisation des noms de métiers, de fonctions, de titres et de grades, pourrait peut-être se pencher sur le cas du terme Cid : car des jeunes filles aussi ces derniers temps démontrent que la valeur n’attend pas le nombre des années. On pense à Greta Thunberg, Ahed Tamimi, Malala Yousafzai… qui marchent dans les pas des Jeannes de la guerre de Cent ans, d’Arc et Hachette… voire de sainte Blandine.
À l’heure où ces lignes étaient écrites, se préparait la manifestation des jeunes du vendredi 15 mars pour réclamer des actions fortes contre le dérèglement climatique et le réchauffement de la planète. Dans la dynamique lancée par Greta Thunberg, la jeune suédoise de seize ans aux tresses sages, militante écologiste dans son pays avec le slogan « grève scolaire pour le climat » et qui s’est adressé au sommet des Nations-Unies sur les changements climatiques (COP 24) en décembre dernier à Katowice : « Ce sont les souffrances du plus grand nombre qui paient pour le luxe du plus petit nombre »…
Tout se passe comme si l’on assistait dans l’actualité à l’émergence d’ados s’emparant de grandes causes pour secouer le cocotier des adultes, si l’on ose écrire. En juillet dernier, c’était Ahed Tamimi qui sortait de prison : en décembre 2017, elle a seize ans, elle bouscule, frappe et gifle un militaire israélien dans la cour de sa maison en Cisjordanie, occupée depuis un demi-siècle. Arrêtée, elle sera condamnée à huit mois d’emprisonnement. Son image, longs cheveux blonds frisés au vent et yeux bleus a fait le tour du monde, dans une société de l’image où le voile ne fait pas forcément recette… Même s’il n’est pas assuré que cette jeune fille soit dans une démarche excluant toute forme de terrorisme, il n’empêche, elle participe de ce phénomène d’ados embrassant des combats de libération.
Malala Yousafzai avait ouvert la voie : née au Pakistan, en juillet 1997, elle s’était opposée aux talibans pour qui la scolarisation des filles doit être prohibé. Victime d’une tentative d’assassinat en 2012, elle a quinze ans, est soignée au Royaume-Uni, le monde commence à s’intéresser à elle, et deux ans plus tard, elle sera lauréate du prix Nobel de la paix.
Un prix qui n’existait pas et pour cause au XVe siècle, lorsqu’une jeune fille de 15/16 ans (elle était née sans doute en 1412) réussit à faire lever le siège d’Orléans par les anglais en 1429 puis à faire sacrer le Dauphin Charles VII à Reims. Le mythe de Jeanne d’Arc était en route. Une autre Jeanne, à Beauvais elle, une quarantaine d’années plus tard, s’illustre : à l’aide d’une hache, d’où son surnom de Jeanne Hachette, elle repousse les assaillants sur les remparts ; on est en juillet 1472, elle a 16 ans, les assiégeants renoncent et le roi de France Louis XI souligne son engagement.
Toutes ces jeunes filles éprises d’idéal ne sont pas sans rappeler Blandine de Lyon, seize ans selon la tradition, qui meurt martyr de sa foi en 177.
Une façon de rappeler aux adultes que la jeunesse n’est pas un handicap pour les grands desseins : à vingt-deux ans, en 334 avant J.-C., Alexandre le Grand commençait à créer le plus grand empire du monde. Mais lui était un homme.
Denis Tardy