AIX-LA-CHAPELLE
Tel le chevalier blanc dans le film raté de Coluche en 1977 Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, Marine Le Pen est monté sur ses grands chevaux pour dénoncer « la mise sous tutelle de l’Alsace » (1) avec le traité d’Aix-la Chapelle récemment signé par Emmanuel Macron et Angela Merkel. Un traité qui prolonge celui de l’Élysée de 1963. Un traité aussi qui consacre Aix-la-Chapelle comme lieu diplomatique cardinal pour régler les affaires internationales : au moins trois autres traités, jalonnant l’histoire heurtée des relations européennes, en 1668, 1748 et 1818 y ont été signés. Sous l’ombre tutélaire de Charlemagne qui en avait fait sa résidence il y a plus de douze siècles ?
On ne sait si le dernier en date des traités internationaux signés à Aix-la-Chapelle par le président de la République française et la chancelière d’Allemagne marquera plus l’histoire que les trois précédents traités négociés dans la ville la plus à l’ouest d’Allemagne ; ville aussi très européenne par sa situation en frontière de la Belgique et des Pays-Bas. En tout cas, dans ces trois traités, notre pays était engagé au premier chef.
En effet, déjà en 1668, le traité signé à Aix-la-Chapelle modifie sérieusement les frontières européennes à la suite de la guerre dite de Dévolution. Et il permet à la France de Louis XIV de récupérer la Flandre, auparavant possession des Pays-Bas espagnols.
Le deuxième traité, celui de 1748, met fin à la guerre de Succession d’Autriche. Les trois puissances signataires (Grande-Bretagne, Provinces-Unies, France) ‘’mettent les compteurs à zéro’’ si l’on ose écrire : chacune des parties restitue ses conquêtes… et seule la Prusse en sortira bénéficiaire, en s’agrandissant de la Silésie. Ce qui s’appelle ‘’se battre pour le roi de Prusse’’, l’expression date de l’époque. Bien que n’établissant pas une paix stable en Europe (la guerre de Sept ans mettra de nouveau le feu à l’Europe dès 1756), ce traité d’Aix-la-Chapelle donnera l’occasion à de nombreuses festivités : Rameau composera un opéra pour la paix, Naïs et Haendel sa ‘’Musique pour les feux d’artifices royaux’’ encore très prisé de nos jours.
Quant au troisième traité d’Aix-la-Chapelle, celui de 1818, il permit à notre pays, occupé partiellement depuis les défaites de l’Empire, d’alléger son fardeau de vaincu tant au plan des indemnités que de la libération des territoires occupés.
Exactement deux siècles après, Emmanuel Macron et Angela Merkel propulsent de nouveau la ville de Charlemagne comme symbole de la diplomatie européenne. Symbole aussi, par son jumelage avec Reims datant de 1967, de l’enracinement de la paix franco-allemande. Reims où fut scellé, en juillet 1962, avant donc le traité de l’Élysée, par Charles de Gaulle et Konrad Adanauer la réconciliation franco-allemande dans la cathédrale bombardée par les allemands en 1914, comme la cathédrale d’Aix-la-Chapelle le fut durant la Seconde Guerre mondiale en septembre 1944. Toutes les deux inscrites au patrimoine mondial de l’Humanité, en 1978 pour Aix-la-Chapelle et 1991 pour Reims, ces deux édifices partagent également la caractéristique d’avoir été le lieu des sacres des souverains, trente-et-un rois de France à Reims, une trentaine d’empereurs du Saint Empire romain germanique à Aix-la-Chapelle.
Denis Tardy
(1) « Plus le mensonge est gros, plus il passe » disait, parait-il Goebbels…