JUSTICE DE PROXIMITÉ
Vu l’actualité, on aurait pu évoquer les gilets des ‘’costumes 3 pièces’’ portés par nos hommes politiques jusqu’au dernier tiers du XXe siècle ; le gilet rouge de Théophile Gauthier lors de la ‘’Bataille d’Hernani’’ (25 février 1830), un épisode de plus de querelle entre anciens et modernes, au plan théatral ; ou encore les gilets portés par l’emblématique Victor Lanoux alias ‘’Louis la Brocante’’ œuvre qui pulvérisa tous les records de longévité d’une série télévisée ou presque (1998-2014) et de succès avec 5 à 6 millions de téléspectateurs en moyenne. Et bien non, on a eu envie de braquer le projecteur sur la justice de proximité en la recontextualisant historiquement alors que vient d’être votée une nouvelle réforme en la matière. Et cela en débutant en 1790 avec les justices de paix pour suivre les étapes jusqu’à la très récente fusion des tribunaux d’instance et de grande instance.
Justice de proximité ? C’est l’objet d’un feuilleton à épisodes avec pour marqueurs 1790, 1929, 1958, 1978, 2002, 2018 enfin, pour l’instant ?
1790 d’abord : c’est la loi des 16-24 août qui instaure en France des justices de paix, à raison d’une par canton, pour régler les litiges de la vie quotidienne (jugeant en équité et non en droit) privilégiant la conciliation. Ces juges de paix, d’abord élus, seront à partir d’août 1802 nommé (pour 10 ans) par le Premier consul. But poursuivi : une justice proche, simple, rapide, gratuite et… équitable. Au fil du XIXe siècle, ses attributions sont largement étendues sans toutefois concerner des affaires d’importance.
Fin des années 1920 : le mouvement de professionnalisation des justices de paix est lancé (obligation d’être titulaire d’une licence en droit ou d’une expérience juridique et de réussite à un concours) en même temps que l’on assiste à la constitution d’une nouvelle ‘’carte’’ des justices de paix, motivée entre autre par l’urbanisation croissante ce qui aboutit à des regroupements… déjà.
1958 : c’est l’acte de dècès des justices de paix. Il y en avait environ 2 000, et ces juridictions sont remplacées par des tribunaux d’instance, 450 environ ; ces derniers étaient 473 avant la réforme de la carte judiciaire de 2007, et plus que 300 environ en 2010.
Années 1970 : la professionnalisation en marche forcée de la justice s’accompagne d’une tentative de réponse au besoin de justice de proximité autrement dit de réponse aux petits litiges : ce sera la montée en puissance de la conciliation (création des conciliateurs de justice en 1978) ainsi que de la médiation avec des résultats mitigés pour lutter contre l’engorgement des tribunaux.
2002 : pour pallier à ce problème récurrent de règlement rapide de petits litiges, la loi d’orientation et de programmation de septembre 2002 prévoit la création de juridictions de proximité ; le but recherché, c’est de désengorger les tribunaux d’instance. Une juridiction qui, sous la pression des magistrats notamment et parce qu’elle compliquait l’organisation judiciaire, sera supprimée en 2011, la fonction de juge de proximité ayant définitivement disparue en juillet 2017. Ces juges de proximité n’étaient pas magistrats de formation mais recrutés parmi les praticiens du droit.
2018 : dans la nuit du 5 au 6 décembre, l’Assemblée Nationale (quelques dizaines de députés…) a voté la fusion entre tribunaux d’instance (il en restait 300 environ) et tribunaux de grande instance (164 juridictions). ‘’Disparition de la justice de proximité’’ ont déploré les députés de l’opposition et les professionnels du droit ; ce à quoi la ministre de la Justice a répliqué : « Plus de lisibilité et de simplicité ». Peut-être, à condition qu’il ne faille pas attendre plusieurs années pour que des conflits mineurs soient tranchés.
Denis Tardy