Chronique du jeudi 18 octobre 2018

 

FICHIERS

 

Les fichiers et les scandales qu’ils engendrent sont de tous temps et de tous lieux. Par exemple les dossiers de John Edgar Hoover aux États-Unis ont fait trembler de nombreuses personnalités américaines voire même le président Kennedy. C’est donc dans cette perspective d’une maladie congénitale de l’exercice du pouvoir, de tous les pouvoirs, qu’il convient d’évoquer le fichier du syndicat FO qui fait scandale ces derniers temps, dans la droite ligne du « mur des cons » du syndicat de la magistrature (dont l’existence fut révélé en avril 2013) avec un procès prévu pour début décembre prochain. Les historiens pourraient aussi rappeler les évènements du 4 novembre 1904, à la chambre des députés, et la gifle encaissée par le ministre de la guerre, le général André, lors de l’affaire dite des « fiches ».

Beaucoup de personnalités américaines se sont senties soulagées début mai 1972, lors du décès du très redouté John Edgar Hoover, directeur du FBI durant 48 ans: il avait en effet constitué des dossiers sur les personnalités politiques concernant leurs vie privée (liaisons extra conjugales, homosexualité… alors que lui-même est soupçonné d’avoir été homosexuel…) 
Bien évidemment, le fichier constitué au sein du syndicat FO dont l’existence fut révélé ces derniers jours apparait comme de la roupie de sansonnet au regard des conséquences des données d’Hoover ; mais il relève de la même propension de toute organisation détentrice d’un pouvoir à être tentée par la mise en oeuvre de telles pratiques.
Comme dans notre pays il y a quelques années, le « mur des cons » du syndicat de la magistrature (dont l’existence fut révélée en 2013) épinglait les adversaires du syndicat, le plus souvent des personnalités classées à droite, affichées pour leurs déclarations jugées stupides par les magistrats du syndicat. Soit dit en passant, Françoise Martres, la présidente du syndicat, doit comparaitre début décembre prochain pour cette affaire devant la 17e chambre correctionnelle de Paris pour injures publiques.
Quant au général André, au début du siècle dernier, son « initiative » de fichage des officiers, notamment les « talas », comprenez ceux qui allait à la messe, illustre bien l’ancienneté de la pratique. Ce général souhaitait, alors que le régime républicain n’avait que quelques années, promouvoir plutôt les officiers républicains que les officiers de droite réactionnaire. Les francs-maçons, spécialement le Grand Orient de France, jouèrent un rôle actif dans ce fichage ; et l’affaire fut portée au grand jour par le député Gabriel Syveton qui gifla en pleine chambre des députés le général André. Syveton ne sera pas jugé, car il sera retrouvé asphyxié, la tête dans sa cheminée recouverte d’un journal… L’enquête a conclu au suicide. Louis André pour sa part, démissionna en novembre 1904 et décéda un peu plus d’un an avant la Première Guerre mondiale. Une interrogation de plus sur le fondement des frontières.

Denis Tardy

 

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