PATRIMOINE
Alors que se précise le modus operandi du loto du patrimoine initié par Stéphane Bern (c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe, souvenez-vous de Pierre de Lagarde et de son émission télévisée Chefs d’oeuvre en péril dans les années 1960-1970), les défilés de mode en mai se sont inscrits dans la même tendance à valoriser le patrimoine. Dans une période où se complexifie le rapport à la mémoire nationale, le patrimoine peut-il effacer les lignes de fracture nationale, à tout le moins y contribuer ? Vous avez dit Charles Maurras ?
Un loto de 13 millions d’euros, et un jeu à gratter sont annoncés pour le 14 septembre prochain: recette attendue, 15 à 20 millions d’euros pour abonder un fond « Patrimoine en péril ». Clin d’œil au précurseur Pierre de Lagarde assurément. Sur un total de 270 monuments en péril, 18 édifices ont été retenus. Sachant, selon la ministre de la Culture, qu’un quart des monuments protégés (entre 40 et 50 000) sont jugés en mauvais état. Il va falloir du temps donc, pour réparer les outrages du temps à ce qui nous a été légué par le temps…
Les créateurs de mode, eux aussi, « surfent » sur la vague patrimoniale. Gucci utilise le site des Alyscamps à Arles pour présenter sa collection ; Jean-Paul Gaultier fait défiler ses mannequins à la Fondation Vasarely à Aix-en -Provence ; et toujours en mai, Dior investit les grandes écuries de Chantilly pour, sous la pluie, présenter ses créations.
Pendant ce temps dans les Vosges, on se félicite que le patrimoine local attire les réalisateurs cinématographiques. Un territoire qui n’avait jamais connu, depuis Les Grandes gueules et l’inoubliable Bourvil (1965), une visibilité cinématographique. Époque révolue : la série Zone blanche de France 2 y est tournée. Et d’autres tournages s’y sont déroulés, avec un investissement maximal des collectivités à l’intérêt bien compris. « Nos décors … sont très recherchés. On est dans l’air du temps » explique à l’AFP le président du conseil départemental François Vannson.
Patrimoine toujours, avec la décision de la ministre de la Culture, au début de l’année, de refuser le recueil des Commémorations nationales en l’état, dès lors qu’il consacrait l’un de ses articles à Charles Maurras. Dont acte. Le livre fut pilonné, les membres du Haut comité démissionnèrent et la nouvelle édition est paru sans la notice controversée. Une fracture de plus dans la société française… Quel rapport avec le patrimoine ? Tout simplement le fait que parmi les 40 ou 50 000 monuments historiques inscrits ou classés, figure toujours à Martigues (Bouches-du-Rhône), chemin de Paradis, une bastide provençale de la deuxième moitié du XVIe siècle, avec sur la fiche de la base de données Mérimée la mention « propriété de Charles Maurras… habitant célèbre ». Notre ministre de la Culture n’est pas censée connaitre l’intégralité de la base Mérimée, en revanche, une cinquantaine de kilomètres séparent Arles, siège des éditions Actes Sud, de Martigues… Doit-en conclure qu’au ministère la main gauche refuse de commémorer celui que la main droite honore ?
Denis Tardy