Chronique du jeudi 3 mai 2018

 

AGITATION

 

Mettez-vous à la place des pavés : vous n’en auriez pas assez d’être battu par les manifestants de tous poils, en ce moment, voire même d’être considéré comme de vulgaires projectiles ? Toujours est-il que dans l’actualité française très agitée, on ne cesse de marcher (sur les pavés ou l’asphalte)  pour des raisons toujours plus diverses et que les responsables politiques et syndicaux multiplient les trouvailles sémantiques pour qualifier l’espéré ou redouté regroupement des forces de contestation.

 

Les militants d’En marche ? Ils sont à l’arrêt, notamment au Palais Bourbon. Les français en revanche sont en marche ces derniers temps. Dans des démarches ‘’traditionnelles’’ comme pour célébrer le 1er mai ou encore lors de marches blanches comme ce fut le cas pour honorer la mémoire de la jeune Angélique assassinée à Wambrechies. Mais aussi pour défendre des causes plus hétéroclites : un exemple, le 30 avril dernier, des agriculteurs bretons entamaient à pied un ‘’convoi mortuaire’’ de ruches d’abeilles mortes depuis la Morbihan jusqu’à la Chambre d’agriculture de Bretagne à Rennes ; le même jour, à Pau, défilaient 1 200 manifestants, bergers, agriculteurs, élus de tous bords (dont le très estimable député Jean Lassalle) pour faire connaitre leur opposition à la réintroduction d’ourses dans les Pyrénées-Atlantiques. La contestation tous azimuts est en marche…

Dans le même temps, on s’interrogeait à gauche, à droite, et nul(sic) part sur la possibilité (fantasme de la répétition historique de Mai 1968, comme si l’on ignorait que l’histoire ne se répète jamais quand bien même elle bégaie parfois) d’un mouvement de contestation cristallisant l’ensemble des opposants catégoriels à la politique gouvernementale. Pour désigner ce phénomène, espéré par les uns, redouté par les autres, on a eu droit à un florilège d’expressions révélatrices de… la richesse de la langue française : du côté de l’Élysée, notre Président évoquait, quelque peu cuistre, une ‘’coagulation des mécontentements’’ improbable selon lui ; Philippe Martinez (CGT) sous ses bacchantes d’un autre temps, aspirait à la ‘’convergence des luttes’’ ; du côté du syndicat Force Ouvrière, le tout frais émoulu Pascal Pavageau donnait dans le sobre en parlant ‘’d’unité d’action’’ ; quant à Jean-Luc Mélenchon, notre nouveau Jean-Marie Le Pen pour son goût de la provocation, il ne pouvait que se démarquer en évoquant « la jonction des forces ». Sans être nostalgique, on rappellera qu’en novembre 1995, le slogan percutant des manifestants, qui avaient fait reculer le gouvernement était beaucoup moins alambiqué : « Tous ensemble, tous ensemble, grève, grève… »

De là à penser que les pilotes d’Air France salariés à 18 000 € par mois (pour un commandant de bord mâle, les femmes dans cette fonction ne gagnant que 16 000 €) fassent amis-amis avec les agents de la SNCF (dont le salaire moyen était de 3 090 € brut en temps complet en 2014, plus de 6 cheminots sur 20 touchant moins de 3 000 € brut par mois précisait récemment la direction de la SNCF) il y a comme une utopie dans… l’air. Pour enfoncer le clou, imaginez-vous les smicards soutenant une éventuelle grève des footballeurs professionnels du type Neymar et consorts ?

Denis Tardy

 

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