ÉTRANGER
Sans rapport avec le vote en première lecture de la loi Asile-Immigration, Manuel Valls l’ancien Premier ministre n’a pas démenti qu’il réfléchissait à la proposition d’un parti politique espagnol d’être candidat aux élections locales à Barcelone avec dans le viseur le poste de maire. Une annonce ayant provoqué nombre de réactions d’incompréhension voire de franches critiques. Comme si on avait oublié que de tout temps, des personnalités ont exercées des fonctions publiques dans des pays qui n’était pas « le leur » si l’on ose écrire.
Des étrangers assurant des responsabilités publiques dans un pays sans en être natif c’est une pratique courante et immémoriale, à commencer par les dynasties royales : au Portugal, les souverains au Moyen Âge sont issus de la noblesse bourguignonne ; en Grande-Bretagne au début du XVIII° siècle, c’est un prince allemand qui devient roi sous le nom de Georges Ier : il faudra attendre la guerre de 1914-1918 pour que cette famille troque son nom germanique pour celui de famille de Windsor ; en Espagne toujours au début du XVIII° siècle, notre Louis XIV installe son petit-fils sur le trône, ses descendants y sont toujours. Et l’on n’a pas oublié les frères de Napoléon, éphémères rois de Naples (Joseph), de Westphalie (Jérome) ou de Hollande (Louis). Le maréchal Bernadotte pour sa part, devenu Charles XIV de Suède et de Norvège, mourut sur le trône en 1844.
Des chefs militaires aussi sont dans le même cas : l’amiral Jacopo de Levanto, génois au service de la France fut « embauché » par Saint-Louis, les écossais pendant la Guerre de Cent ans puis les suisses à partir du XVI° siècle jusqu’à la Révolution ou le maréchal Joseph Poniatowski (1763-1813) d’origine polonaise voire le prince Aage du Danemark (1887-1940) brillant officier de Légion étrangère en témoignent.
Quant aux ministres d’origine étrangère ayant exercé en France, ils n’ont pas toujours laissé un bon souvenir, notamment les italiens Concino Concini (1575-1617) et Jules Mazarin (1602-1661) ou encore Law hélas et sa banqueroute de mai 1720. Le suisse Necker (1732-1804) fit mieux.
Plus récemment, Robert Schuman, l’un des « pères de l’Europe », plusieurs fois ministre avant et après la Seconde Guerre mondiale, et même président du Conseil des ministres en 1947-1948, était né allemand en 1886. Né à Montauban en 1945, ayant opté pour la nationalité allemande en 1959, puis la nationalité française en 2015, Daniel Cohn-Bendit participa à la vie politique de part et d’autre du Rhin. Dès lors que Manuel Valls, né en août 1962 à Barcelone, naturalisé français vingt ans plus tard, veuille ajouter à sa carrière de député et de ministre en France la fonction de maire de Barcelone ne constitue en rien une rupture historique.
Et ainsi, il ouvrirait la voie à Emmanuel Macron qui, à en juger par l’accueil qui lui fut réservé par le Congrès des États-Unis il y a quelques jours, pourrait être tenté d’être candidat puis élu à la présidence des États-Unis…
Quo non ascendam ?
Denis Tardy