NAZIS
Le jury de l’Académie Goncourt vient de décerner son prix 2017 à Éric Vuillard pour son récit L’ordre de bataille consacré à l’Allemagne passant sous la coupe des nazis dans les années 1930. Il y a quelques semaines, c’était un ancien infirmier du camp d’extermination d’Auschwitz que la justice allemande renonçait à poursuivre. L’accusé était en poste à Auschwitz lors de l’arrivée du convoi déportant Anne Frank et sa famille, entre autres convois, quatorze au total. Le propriétaire du tableau de Pissarro La cueillette, lui, échappa de justesse à la déportation, mais fut spolié de sa collection d’oeuvres d’art : un procès en cours doit décider à qui appartient le tableau. Et pendant le même temps, des palestiniens témoignent de leur embarras d’avoir été affublé de prénoms comme… Hitler par des parents imbéciles. Le poison nazi, plus de 70 ans après, distille toujours son venin.
Son père, chirurgien lyonnais, a fait revivre les vieilles pierres : le village de Pommerol (Drôme), le fort du Langoustier sur l’île de Porquerolles (Var) ; Éric Vuillard, lui, fait revivre l’implacable montée du nazisme, spécialement l’Anschluss dans son récit L’ordre de bataille qui vient d’obtenir le prix Goncourt. L’actualité, une fois encore, rappelle que le nazisme est un prurit inguérissable dans nos sociétés.
Déjà en septembre, Hubert Zafke, 95 ans, engagé à 19 ans dans la Waffen SS, et infirmier dans le camp d’extermination d’Auschwitz, jugé par le tribunal de Neubrandenbourg, avait été déclaré inapte à comparaitre. Il aurait du répondre de la mort de plus de 3 000 personnes juives, l’acte d’accusation ayant retenu une période où parmi les quatorze convois arrivés à Auschwitz figurait celui d’Anne Frank et de sa famille. Anne Frank, où plutôt son image, odieusement utilisée par des abrutis supporters de football d’une équipe italienne, c’était il y a quelques jours.
Les parents de Camille Pissarro, le peintre impressionniste, étaient aussi juifs. Et son tableau La cueillette a agité les milieux artistiques et juridiques : Simon Bauer s’était vu en 1943 confisqué ses biens dont le tableau en vertu (si l’on ose écrire) de la législation antisémite du régime de Vichy. Il échappa de peu à la déportation, à cause d’une grève de cheminots, et mourut en 1947. Et le tableau réapparut en 1995, lors d’une vente de Christie´s à New York où il fut adjugé 800 000 $. La famille Bauer s’était émue, en début d’année, de la présence de ce tableau lors d’une exposition rétrospective Pissarro à Paris et avait demandé à la justice sa mise sous séquestre en même temps qu’elle assignait les « propriétaires ». Le procès a eu lieu ces derniers jours.
Dernière évocation de ce « passé qui ne passe pas » dans l’actualité ces derniers jours : un reportage sur les prénoms, incongrus pour le moins (on se croirait dans un copie/collé du film Le prénom d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte de 2012) que des parents irresponsables ont donné à leurs enfants. Ainsi témoigne Hitler Abou Amad, instituteur à Hébron, qui explique ce prénom par la volonté de son père de protester contre l’occupation israélienne. Alors que d’autres palestiniens portent comme prénoms Castro, Che Guevara, Chavez, Sadam Hussein, il en existe aussi se prénommant Carter, en hommage au président américain et les accords de paix de Camp David (1978). Ouf…
Le processus de dénazification sera-t-il éternel ?
Denis Tardy