DÉCORS
« La France doit redevenir une grande puissance tout court » : Emmanuel Macron persiste et signe (1). Et pour atteindre cet objectif, il y a déjà eu les tonitruantes réceptions des présidents des États-Unis et de la Russie : les Champs-Élysées, le palais de Versailles ont été mis à contribution, dans le même esprit de mise en scène que lors du discours du 7 mai devant le Louvre après son élection. Discours tenu de nuit, tout comme celui concernant la « refondation » de l’Europe avec l’Acropole en toile de fond. Sur une telle lancée, on a imaginé les prochains épisodes.
Dès lors que le torchon brûle entre la Corée du nord et la communauté internationale, une initiative forte de la « grande puissance France » pourrait prendre la forme d’un discours d’Emmanuel Macron au pied de la Cité interdite, à Pékin, la Chine étant incontournable dans la résolution de cette grave crise.
Idem en ce qui concerne les négociations du Brexit, au point mort. Débloquer la situation avec des propositions renouvelées en lançant depuis Londres un… appel depuis la place de Westminster, non seulement aurait du sens, mais, de plus, la mise à l’arrêt des cloches de Big Ben éviterait une fausse note, si l’on ose écrire, comprenez une interruption des jupétériens propos.
Et pourquoi s’en arrêter en si bon chemin ? Nul doute qu’Emmanuel Macron « cartonnerait » sur la scène internationale en présentant un plan de relance des négociations israëlo-palestinienne. Pour cela, on hésite : Jérusalem au pied du mur des Lamentations avec l’esplanade des Mosquées en arrière-plan pourrait convenir, quand bien même on ne verrait pas distinctement le Golgotha, pour celui qui n’hésitait pas, en meeting lors de la campagne de l’élection présidentielle, à mettre les bras en croix. Mais devant les pyramides d’Égypte de Gizeh (là d’où quarante siècles nous contemplent…) la proposition d’un tel plan de relance ne manquerait ni de panache, ni de sens si l’on se souvient que l’Égypte fut le premier pays arabe à reconnaitre Israël et à signer un traité de paix avec l’État hébreu à la fin des années 1970.
Dans le contentieux opposant États-Unis et Mexique, à propos de la construction d’un mur frontière, notre Président de la République pourrait aussi, pour rehausser sa stature internationale, jouer les Messieurs bons offices en s’exprimant depuis Fort Alamo, le « site le plus touristique du Texas », où mexicains et texans aspirants à devenir américains du nord s’affrontèrent.
Le pont de Galata, au dessus de la Corne d’or séparant Turquie d’Europe et Turquie d’Asie conviendrait bien, géographiquement et symboliquement à Emmanuel Macron pour relancer le dialogue entre ce pays et la communauté européenne, dialogue mis à mal par les déclarations de la chancelière allemande lors d’un récent débat télévisé.
Nul doute donc que notre président de la République a trouvé la bonne formule, les potentialités de décors symboliquement forts renforçant la visibilité de ses déclarations. Et puis il faut bien reconnaitre que se faire inviter par des pays étrangers pour s’y afficher est plus propre à incarner la grandeur que de se faire inviter dans des « foyers français comme tout le monde » ainsi que le pratiquait il y a quarante ans un de ses prédécesseurs.
Denis Tardy
(1) Le Point, jeudi 31 août.