BATAILLES
Encore un télescopage riche d’enseignement dans l’actualité de ces derniers jours : une nouvelle fois, la tombe du maréchal Pétain à l’ile d’Yeu a été profanée dans la nuit de vendredi à samedi dernier, dans un contexte où le « quasi limogeage » du général Pierre de Villiers, chef d’État-major des armées par le président de la République fait des vagues. Surtout à cause de la méthode employée qui n’est pas sans faire penser à… l’écriteau punaisé à la porte de son bureau par le pape François à l’attention de ses visiteurs : « Interdit de se plaindre »…
Un épisode de plus donc dans le feuilleton des rapports toujours très complexes depuis un siècle et demi dans notre pays entre chefs militaires et responsables politiques. Des rapports marqués par au moins trois constantes : l’interpénétration des mondes militaires et politiques tout d’abord, avec trois chefs d’État (Mac Mahon, Pétain, de Gaulle issus du sérail militaire), ainsi que plusieurs généraux ayant exercés les fonctions de ministre de le Guerre ou des Armées, voire ayant opté pour une carrière politique, le général Philippe Morillon en étant le dernier exemple (élu de 1999 à 2010). Deuxième de ces constantes, dont le dernier exemple cependant date d’un peu plus d’un demi-siècle, la tentation du coup d’État : Boulanger bien sûr dans les années 1880-1890, le « quarteron » de 1961, sans oublier juillet 1940 et le « vote » des pleins pouvoirs à Vichy. Un « vote » qui sans être tout à fait un coup d’État témoigne de la troisième constante des rapports entre militaires et politiques, la volonté des premiers de peser sur les choix des seconds. Les exemples fourmillent : Joffre et Poincaré au début de la Première Guerre mondiale, après une affaire Dreyfus où l’État-major s’est violemment heurté à certains politiques, sans oublier le maréchal Pétain, général en chef de l’armée française qui va s’opposer de 1919 à 1929 à la construction de fortifications défensives (la future « ligne Maginot ») préconisant, l’avenir lui donnera raison, la constitution d’un puissant corps de bataille doté de près de 7 000 chars.
En définitive, c’est André Maginot, le ministre de la Guerre, qui obtiendra gain de cause. Lors d’un débat parlementaire, en décembre 1929, le ministre aura cette phrase : « Ce n’est pas Pétain qui commande, mais le ministre de la Guerre ». Pas loin du récent : « Je suis votre chef » du président de la République…
Denis Tardy