Chronique du jeudi 9 février 2017

 

SÉPARATION DES POUVOIRS

 

Depuis le XVIIIe siècle au moins, les réflexions n’ont pas cessées avec Locke, Montesquieu et les autres sur la séparation des trois pouvoirs (l’exécutif, le législatif, le judiciaire) dans l’organisation de la gouvernance des démocraties; avec la volonté d’obtenir un équilibre entre les trois au nom du célèbre principe de « checks and balances » garant de la nature démocratique des régimes politiques.
Tel un prurit, les débats ressurgissent régulièrement (pas dans les dictatures bien sûr) sur une tendance réelle ou supposé d’un pouvoir à vouloir, en dépassant son rôle, imposer son hégémonie au détriment de l’un des deux autres. Et curieusement, l’actualité nous a offert récemment au moins quatre exemples de tels débats, dans autant de démocraties différentes, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Espagne, en France.
Aux États-Unis bien sûr, c’est le président élu qui s’indigne que des juges (le pouvoir judiciaire) paralysent son action de pouvoir exécutif à propos de décrets pris, semblent-t-il, dans la précipitation et alors que le staff présidentiel apparait quelque peu inexpérimenté…
Au Royaume-Uni, la Première ministre (le pouvoir exécutif) a du en passer, avant de lancer la procédure de Brexit, par ce que lui demandaient le pouvoir judiciaire, par un vote au parlement. Quelques voix s’étaient élevées pourtant dénonçant un coup de force alors que la volonté populaire s’était exprimée par référendum.
En Espagne, là encore l’exécutif de Catalogne s’est fait « tacler » par les juges et même en début de semaine dernière, l’ancien président Arthur Mas comparaissait devant le tribunal supérieur de justice de Catalogne pour « désobéissance aggravée » et « prévarication » après l’organisation en novembre 2014 d’une consultation illégale sur l’indépendance de la région.
Chez nous aussi, les juges (dont la constitution (titre VIII, articles 64 à 66) précise qu’ils forment une autorité judiciaire et non pas un pouvoir judiciaire, nuance…) sont amenés de plus en plus fréquemment à exercer un rôle d’arbitre, pour la désignation ou non, de telle ou telle personnalité politique comme candidat à l’élection organisée afin de désigner le président de la République, autrement dit l’exécutif (DSK, il y a quelques années ; Fillon, aujourd’hui). Et cela dans un pays où la pratique a souvent été de mettre en scène l’affirmation de la primauté du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire: ce sont les parlements d’Ancien régime régulièrement abaissés durant des siècles par le pouvoir (exécutif) monarchique fort (les « lits de justice ») ; c’est aussi le Général De Gaulle, on vient de l’évoquer, qui avec la constitution de 1958 institue non pas trois pouvoirs se contrebalançant mais un exécutif fort, un législatif limité dans l’exercice de son pouvoir, un judiciaire rabaissé au rang d’autorité judiciaire.
Il semble bien qu’aujourd’hui, et dans notre pays en particulier, ces questions relatives à l’équilibre entre les trois pouvoirs ont laissé place à une préoccupation dominante, celle de transparence et d’éthique. De là à dire que le pouvoir judiciaire tienne dans sa main les deux autres…

Denis Tardy

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