MIGRANTS
Les migrants qui frappent à la porte des pays européens font partie des défis qui se posent à ces nations, avec des attitudes diverses. Celle de l’Allemagne, ouvrant grandes ses portes, n’est pas passée inaperçu, avec l’accueil de 7 à 800 000 de ces migrants. Une « ouverture », soulignent certains, non dépourvu d’arrière-pensées, dans un pays dont la démographie (environ 1,4 enfant par femme) pourrait poser de gros problèmes économiques à l’avenir. Et une partie de ces migrants, à la valeur professionnelle certaine, sont susceptibles de prendre le relais. Une situation nouvelle ? Que nenni.
1685 : édit de Fontainebleau en France, plus connu sous le nom de Révocation de l’édit de Nantes. Louis XIV souhaite en finir avec la population protestante du royaume de France. Le pays ne peut être que catholique. Et ses 20 millions de français aussi. On passera sur les diverses exactions de sinistre mémoire ayant pour but les conversions forcées. L’édit en question aboutira au départ d’environ 300 000 protestants. Des migrants au XVIIe siècle donc, mais dans une configuration inverse de celle que connaît notre pays aujourd’hui : ils quittaient la France, les migrants d’aujourd’hui veulent y entrer. Les migrants protestants du XVIIe siècle sont quelque peu comparable à nombre de migrants d’aujourd’hui qui ne fuient pas leur pays pour cause de misère mais pour des raisons religieuses ou politiques, et pourraient constituer une richesse pour le pays d’accueil. De la même façon que les Pays Bas, la Suisse et l’Allemagne bénéficièrent à la fin du XVIIe siècle de l’arrivée de 300 000 migrants français, force vive économique. L’Allemagne déjà…
Le rapprochement entre ce qui se passa avec la Révocation de l’édit de Nantes et ce qui se passe aujourd’hui peut s’avérer riche d’enseignement. Outre le fait que l’on peut être tour à tour pays d’accueil de migrants et pays générant des migrants, le départ de 300 000 protestants, sur une population d’une vingtaine de millions de français, correspondrait aujourd’hui, au départ d’un million de personnes… C’est dire l’importance de « l’épisode », tout à fait comparable aux flux de migrants d’aujourd’hui.
Inversement à ce qui se passe de nos jours avec des migrants frappant à notre porte, notre pays a généré par le passé de fortes vagues d’émigration : celle des juifs chassés définitivement de France (sauf du Dauphiné…) par Charles V en 1394 ; celle de nombre d’habitants des Alpes, « les barcelonnettes » fuyant la misère pour l’Amérique du sud au XIXe siècle… Pour ne citer que deux exemples.
Façon de souligner que l’inversion des rôles en la matière n’a rien d’exceptionnelle. À quand un retournement de situation ?
Denis Tardy