Chronique du jeudi 7 décembre 2016

 

MATIGNON TERMINUS

 

Ils ne sont pas très loin, l’hôtel Matignon et le palais de l’Élysée à Paris ; à l’inverse, le parcours est semé d’embuches pour un Premier ministre souhaitant devenir Président de la République. Deux candidats à la présidentielle de 2017 se lancent dans cette aventure, François Fillon et Manuel Valls tous les deux anciens Premiers ministres.

Tous les présidents de la Ve République ne sont pas passés par la « case Matignon » avant d’arriver à l’Elysée : c’est le cas de Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Nicolas Sarkozy, François Hollande et… Alain Poher, qui fut deux fois président par intérim (en 1969 et 1974).

À l’inverse, sur la bonne vingtaine de Premiers ministres de cette même Ve République, un douzaine ont aspiré à la fonction suprême ; mais trois seulement réussirent : De Gaulle d’abord, la constitution ayant été adoptée en septembre 1958, il était à Matignon et fut élu président en décembre ; Georges Pompidou ensuite, le record de longévité à Matignon devenu président en 1969 ; Jacques Chirac enfin, deux fois Premier ministre (1974-1976 puis 1986-1988) et qui du s’y reprendre à trois fois (1981,1988,1995) pour devenir président.

Trois élus présidents sur une douzaine de candidats ayant été Premier ministre,  aux diverses élections présidentielles depuis 1958 : pas de doute, être passé par Matignon ne facilite pas la tâche pour occuper l’Élysée.

Jacques Chaban-Delmas inaugure la liste de ces aspirants à l’Élysée ayant été auparavant Premiers ministres et qui échouent. C’était en 1974, et il lui fut beaucoup reproché de s’être trop précipité pour annoncer sa candidature après la mort, en fonction, de Georges Pompidou. Pour cette même élection de 1974, Pierre Messmer, Premier ministre de 1972 à 1974, annonce être prêt à se présenter si les autres candidats de droite se retirent… Ce qu’ils ne feront pas.

Pour l’élection suivante, Michel Rocard est un cas à part : il annoncera sa candidature à la Présidence de la République (octobre 1980) avant de la retirer quand François Mitterrand annonce la sienne… et sera Premier ministre après (1988-1991). Toujours pour cette élection de 1981, Michel Debré, Premier ministre de 1959 à 1962, annonce sa candidature en juin 1980 ; il obtiendra 1,66 % des voix au premier tour, alors qu’il est âgé de 69 ans… âge comparable à celui d’Alain Juppé en 2016.

Raymond Barre, Premier ministre de 1976 à 1981 lui aussi échouera à la présidentielle, en 1988. Et sept ans plus tard, ce sera Édouard Balladur, Premier ministre de 1993 à 1995 qui n’arrivera pas à s’installer à l’Élysée. Lionel Jospin, Premier ministre de 1997 à 2002 sera éliminé au premier tour de la présidentielle de 2002. Laurent Fabius, Premier ministre de 1984 à 1986, le plus jeune dans cette fonction (37 ans), se déclare candidat à l’investiture socialiste pour l’élection présidentielle de 2007 : la primaire interne donne la préférence à Ségolène Royal.

Alain Juppé, Premier ministre de 1995 à 1997, échoue dans la primaire de la droite de 2016 visant à désigner le candidat à l’élection présidentielle de 2017. Son « confrère » François Fillon, Premier ministre de 2007 à 2012 sera ce candidat. Il ne doit pas être superstitieux…

Quant à Manuel Valls, Premier ministre depuis le 1er avril (cela ne s’invente pas) 2014 jusqu’à ces derniers jours, l’Élysée en dépit de tous ces précédents est dans sa ligne de mire avec sa participation aux prochaines primaires du PS, comme ce fut déjà le cas en 2011 où il obtint… 5,6 % des voix.

Premier ministre ou le syndrome Iznogoud de Goscinny, le vizir qui veut être calife à la place du calife ? En tout cas, lorsque les portes de Matignon se referment sur l’un de ses locataires, celles de l’Élysée ne s’ouvrent pas automatiquement, Matignon n’est pas un passeport pour l’Élysée, le billet pour Matignon prévoit plus un terminus qu’une correspondance… Semble-t-il…

Denis Tardy

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