VENDANGES
16 septembre 1960 : c’est la révolution pour les élèves, à l’initiative d’un éphémère ministre de l’Éducation Nationale, André Boulloche ; la rentrée scolaire est avancée de deux semaines par rapport aux années précédentes. Depuis un arrêté de février 1939, elle s’effectuait rituellement fin septembre. C’est que, on l’a un peu oublié, au début des années 1950, pratiquement la moitié de la population française exerçait une profession rurale… et que les vendanges avaient lieu fin septembre.
Vendanges auxquelles participaient les enfants. Au reste, avec le nouveau calendrier de vacances scolaires de 1960, il était prévu des autorisations d’absence pour les élèves entre le 15 et le 30 septembre, accordées par l’Inspection d’Académie « sur demande des personnes responsables d’enfants d’au moins 12 ans occupés aux travaux agricoles dans les départements viticoles compte tenu des travaux de vendanges »(circulaire du 19 septembre 1960).
Une telle circulaire serait inutile aujourd’hui. Non pas parce que les enfants qui participent aux vendanges sont quantité négligeable, mais parce qu’en moyenne depuis le mitant du XXe siècle, les vendanges ont été avancées… d’un mois. Raison évoquée le plus souvent : le réchauffement climatique. Cette même raison expliquerait l’augmentation en teneur alcoolique du vin.
Seuls les mauvais esprits remarqueront qu’en cette année 2016, les vendanges ont lieu trois semaines plus tard qu’en 2015, par exemple le ban des vendanges en Beaujolais a été fixé au 17 septembre. Il n’empêche que, en dépit de l’importance prise par les machines à vendanger (bannies dans le Beaujolais), apparues en 1971 dans notre pays et assurant environ 70 % de la récolte, on estime à 300 000 vendangeurs recrutés chaque année pour ces emplois saisonniers : la tradition ne se perd pas.
En revanche, il en est une, de tradition, en voie d’extinction, à tout le moins en France : celle de la culture de la vigne en hautain qui évitait les maux de dos aux vendangeurs d’aujourd’hui de vignes basses quasi généralisées. Hautain et pas hautaine, la vigne n’ayant pas adoptée des attitudes humaines… il s’agit plus prosaïquement de vignes poussant en hauteur, le pied étant « marié » soit à un arbre soit à des piquets de bois, le raisin se cueillant de ce fait à 1,50 m, voire, comme au Portugal pour le vino verde, avec des échelles. Aux dernières nouvelles, il existerait encore dans un petit village de Haute-Savoie, Marin, des pieds de vigne plantés « en crosse », autrement dit en hautain.
On ne saurait en cette période de vendanges ne pas évoquer aussi la ténacité de quelques vignerons de l’Ardèche, de Lozère, du Gard, de l’Hérault et de l’Aveyron aussi, qui s’acharnent à maintenir la culture d’un cépage interdit, avec cinq autres en 1935 sous prétexte que le vin qui en était issu rendait fou. Une décision ressortant plus de la manoeuvre politique contre Édouard Daladier peut-être, ou encore sans doute de concurrence acharnée entre divers acteurs économiques dans une période de surproduction. L’interdiction de ce cépage a été abrogée en septembre 2003… mais reprise dans les règlements européens, allez comprendre ! Toujours est-il que ledit cépage avait été planté originellement dans l’État de New-York aux États-Unis en 1821, et qu’il fut importé dans notre pays durant la deuxième partie du XIXe siècle. État de New-York qui de 2001 à 2009 a eu pour sénatrice Hillary Clinton. D’ici que l’ineffable Donald Trump prenne argument des risques de folie liés à la consommation de vin issu de ce cépage pour une de ses « sorties » dont il a le secret, il n’y a qu’un pas. Car, on a oublié de vous le dire : ce cépage se nomme… Clinton.
Denis Tardy