VERDUN
Dans l’ordre, c’est d’abord l’accolade entre De Gaulle et le chancelier Adanauer lors de la signature du Traité de l’Elysée en 1963 ; puis la main dans la main de François Mitterrand et Helmut Kohl à Verdun en septembre 1984 ; enfin le parapluie commun abritant François Hollande et Angela Merkel la semaine dernière, toujours à Verdun : symboles, sur une cinquantaine d’années, de la réconciliation franco-allemande.
Avec Verdun en toile de fond. Verdun, la bataille de la Première Guerre mondiale. Mais Verdun aussi, ville-frontière et territoire des antagonismes franco-allemands. « La France s’est faite de Verdun à Verdun » remarquait Colette Beaune l’historienne auteur de Naissance de la nation France, en 1985. Pas Verdun-en-Lauragais, pas Verdun-sur-Garonne, pas Verdun-sur-le Doubs, mais Verdun en bord de Meuse. Verdun, celle de 1916, étonnement surnommée « mère des batailles ». Mère, vraiment, ou fille ? L’oppidum celte en ces lieux est pris par les Romains en 57 avant J.-C. ; Attila et ses Huns prennent et saccagent la ville en 451 ; Clovis l’assiège à la fin du Ve siècle ; Verdun qui aura connu onze sièges, dont celui de Charles-Quint au XVIe siècle, des prussiens en l’été 1792, puis en 1870, la capitulation intervenant après quatre vingt et un jours.
Verdun, c’est aussi la ville du Traité de 843, où ses petits-fils déchirent l’empire de Charlemagne en trois parties, scellant pour le futur une France à l’ouest et une Allemagne à l’est, la Lotharingie n’étant pas pérenne. Le roi de France Henri II en 1552 mettra la main sur les Trois évêchés, Metz, Toul et Verdun, et en 1648, la ville est définitivement rattachée à notre pays.
Nul doute donc qu’avec Verdun, on est dans le temps long de l’histoire, cher à Fernand Braudel. Mais quel temps long ? Celui du demi-siècle de la réconciliation franco-allemande ou celui millénaire ou presque, de l’antagonisme entre ces deux nations ?
Denis Tardy