Chronique du jeudi 28 avril

SULLY-BRUTUS

‘Il s’imaginait en Sully, il ne faudrait pas qu’il finisse en Brutus’: Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du parti socialiste, suite à une énième ‘sortie’ d’Emmanuel Macron vient de faire appel à sa culture historique pour tacler le jeu perso du Ministre de l’économie : afin de faire litière des accusations de diplômes universitaires obtenus de façon frauduleuse, porté par un journaliste de Médiapart dans un livre en 2014 ?

En tout cas, le grand écart historique entre le principal ministre d’Henri IV (Sully) et le fils adoptif de Jules César (Brutus), plus de seize siècles tout de même, ne lasse pas de surprendre. Et rend difficile l’exégèse de tels propos. François Hollande est-il comparé à Henri IV ou à Jules César par Jean-François Cambadélis ? Est-il, notre président, celui qui arrive au pouvoir sur son cheval blanc, puis n’hésitant pas à tourner casaque en menant une politique néo-libérale comme le roi Henri avait abjurer sa foi huguenote en devenant catholique (‘Paris vaut bien une messe’) ? Ou bien alors est-il, François Hollande, Jules César, trahi de tous côtés, et assassiné, lors des Ides de mars de 44 avant J.-C. (mais on est en avril…), tombant sous vingt-trois coups de poignard dont celui de Brutus (Macron ?), son fils adoptif ?

Un point commun tout de même entre Henri IV et Jules César: tous deux meurent assassinés. Malheureusement pour Jean-Christophe Cambadélis, Ravaillac et son poignard mortel pour Henri IV n’était pas un proche du roi d’où le recours à Brutus pour sa comparaison. Une façon de souligner que ‘les couteaux sont tirés’ au sein de la gauche selon l’expression consacrée ; Et que à un peu plus d’un an de l’élection présidentielle, c’est bien l’ambiance d’une fin de règne qui plane.

Et Sully dans tout cela, ne se retourne-t-il pas dans sa tombe d’être comparé à Emmanuel Macron ? Parce que lui, surintendant des finances en 1598, su mettre de l’ordre dans les finances du pays. Comme Macron, il avait réussi personnellement, grâce à des spéculations commerciales et au commerce de chevaux pour l’armée ; associé-gérant et banquier d’affaires chez Rothschild et compagnie, Emmanuel Macron avec le rachat par Nestlé d’une filiale de Pfizer devient millionnaire. Mais comme ministre de l’Économie, a-t-il fait aussi bien que Sully ? Sully qui à partir de 1598 fait rentrer les arriérés fiscaux (certes, les retours de ‘capitaux exilés’ ont rapportés au budget en 2015), paie les dettes de l’Etat, lutte contre les malversations financières et… amasse des réserves tout en diminuant les impôts; Macron n’en est pas encore là… Et puis Sully favorise l’agriculture (l’agro-alimentaire est encore  aujourd’hui un des fleurons à l’export de notre industrie) avec la liberté du commerce des grains. Labourage et pâturage sont encore de nos jours les mamelles de la France… Sully, c’est aussi l’abolition des péages (mesure pas en vue aujourd’hui sur les autoroutes…). Bref, un réformateur, un vrai, auquel Emmanuel Macron peut difficilement être comparé, au vu des maigres résultats qu’il a obtenu.

Jean-Christophe Cambadélis a donc ‘fait le buzz’ avec sa petite phrase, dont les commentateurs, soit dit en passant, n’ont retenu que la fin concernant Brutus. A-t-il cependant mesuré, alors que le ministère de l’Éducation Nationale réduit encore la part de l’enseignement consacré à l’histoire, que ses comparaisons historiques pouvaient être difficilement compréhensibles par le plus grand nombre?

On espère seulement qu’Emmanuel Macron, lui, aura compris.

Denis Tardy

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