Chronique du 21 avril

ÉCONOMIE – POLITIQUE

Mécontent des modifications apportées au projet de loi El Khomri, le président du MEDEF (Pierre Gattaz) vient d’annoncer que si ce texte n’était pas rétabli dans sa version initiale, il pourrait suspendre sa participation à la négociation sur l’assurance-chomage. Une opposition frontale. Réponse du président de la République: « Le patronat doit comprendre qu’il ne peut pas demander à l’État de faire davantage pour alléger les charges des entreprises sans que lui-même prenne ses responsabilités ». Un bras de fer qui en rappelle beaucoup d’autres dans la tumultueuse histoire des relations entre patronat et pouvoir politique de notre pays.

Le « Mur de l’argent » n’a-t-il pas eu raison du gouvernement du Cartel des gauches dirigé par Édouard Herriot en 1924-1925, les « deux-cents familles », celles qui régissaient alors la Banque de France (les Rothschild, de Wendel et autres Schneider) l’acculant à la démission?

De Gaulle aussi, pour qui « la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille », ne fut-il pas obligé, pour lancer sa réforme sur la participation des salariés aux fruits de la gestion des entreprises, de passer par la voie de l’ordonnance, en plein coeur des vacances estivales, le 17 août 1967 ? Paul Huvelin, le président du CNPF (« ancêtre » du MEDEF) dénonçait (déjà…) « le fardeau des charges », « les interventions administratives incessantes », « le poids de l’État dans la gestion de l’économie. »

Plus près de nous, la loi sur les 35 heures du gouvernement Jospin ne provoqua-t-elle pas la démission du président du CNPF, Jean Gandois en octobre 1997. Un Jean Gandois évoquant volontiers (cela ne vous rappelle rien ?…) « les nécessaires adaptations pour rendre les entreprises françaises plus compétitives. »

La menace de l’actuel président du MEDEF renvoie à la politique de la chaise vide pratiquée par le président de ce même MEDEF, Ernest-Antoine Seillière en 2001, au sein des organismes de gestion de la Sécurité Sociale. « Nous ne voulons pas, expliquait-il, continuer à gérer la Sécurité Sociale dans de telles conditions… Soyons clairs, nous sommes partis… mais si on veut nous inviter à participer dans des conditions nouvelles où nous exercerions de vrais responsabilités, bien entendu nous n’aspirons qu’à cela. » Autrement dit: on veut  bien, à certaines conditions, travailler ensemble, parce que l’on ne peut pas faire autrement. Quinze ans plus tard, Pierre Gattaz envoie le même message, conscient (du moins on l’espère…) que le couple acteurs de l’économie/pouvoir politique est condamné à vivre ensemble. Parce que sans l’économie, les pouvoirs politiques sont dépourvus de moyens ; et que sans politique claire, les acteurs économiques n’obtiendront pas de résultats.

Obligations de moyen et de résultat, cela rappelle quelque chose…

Denis Tardy