PASSÉ RETROUVÉ
Des gifles aux attentats terroristes ; de l’antisémitisme à la ‘’chasse aux migrants’’ ; de l’insécurité aux violences des jeunes en milieu urbain, sans oublier la criminalité qui profite des progrès techniques… Le président de la République fraîchement élu nous annonçait en 2017 un ’’nouveau monde’’ : c’est plutôt l’ancien monde, celui des années 1890-1900 que l’on voit resurgir. Exemples.
Gifles – Le député Gabriel Syveton en donne deux (à l’époque on parle de soufflet) au ministre de la Guerre, le général Louis André en pleine séance de la Chambre des députés le 4 novembre 1904. À l’origine, le scandale dit des fiches : le régime républicain doit encore faire face à une opposition de royalistes et de bonapartistes, très présents parmi les cadres de l’armée ; aussi un fichier secret des officiers a été constitué pour recenser les officiers ‘’tala’’ (comprenez ceux qui vont à la messe) avec l’objectif de freiner leur avancement et de favoriser les promotions d’officiers républicains (cf. aujourd’hui la gifle reçu par Emmanuel Macron et les tribunes d’officiers publiées ces derniers jours par l’hebdomadaire Valeurs actuelles).
Antisémitisme – L’écrivain Édouard Drumont (1844-1917) crée la Ligue nationale anti-sémitique de France en 1890. Il avait publié La France juive en 1886, qui fut un best-seller (plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires) et lancé en 1892 le journal La Libre Parole sous-titré « la France aux français ». Autre publication, La Croix, dirigée par les assomptionnistes, se présente comme « le plus anti juif de France » et estime que « contre le Christ qui les a maudits et dont ils demeurent les ennemis farouches [les juifs] voudraient pouvoir soulever toutes choses : leur haine va jusqu’au délire » (cf. aujourd’hui le procès Sarah Halimi, les débats biaisés sur la distinction entre antisémitisme et antisionisme au conseil municipal de Strasbourg).
Violences contre les migrants – Les italiens immigrés en France sont la cible, après l’assassinat du président de la République Sadi Carnot (24 juin 1894) par Géronimo Caserio, d’exactions durant quatre jours : maisons, magasins et commerces d’italiens sont pillés, leurs propriétaires violentés. Plus de mille émeutiers sont arrêtés et des milliers d’italiens quittent la région. À Aigues-Mortes l’année précédente (août 1893), des travailleurs italiens employés par la Compagnie des Salins du Midi sont massacrés par des villageois et ouvriers français, dans un contexte d’embauches réduites du à la crise économique ; plusieurs dizaines de morts furent déplorés (officiellement huit). Des évènements précédés par des violences contre les italiens à Marseille en juin 1881 : la ville comptait 58 000 italiens pour une population totale de 360 000 habitants; sous le fallacieux prétexte que des italiens auraient sifflé un défilé de soldats français, la ‘’chasse aux italiens’’ durera trois jours faisant trois morts et vingt-et-un blessés. (cf. aujourd’hui les conditions d’accueil et de traitement des migrants et demandeurs d’asile).
Violences des jeunes en milieu urbain – On pouvait lire dans le Petit Journal illustré du 23 janvier 1910 un article sur les ‘’Apaches’’ : « La police… avait réussi à prendre toute la bande… Le chef de bande, une jeune ‘’Terreur’’ [sic], de dix-huit ans, répondait avec un cynisme et une arrogance extraordinaire… il expliquait… les moyens employés… pour dévaliser… les ruses de guerre qu’ils utilisaient contre une bande rivale avec laquelle… ils étaient en lutte ouverte… » Le journaliste évoque ensuite : « Quand ces gredins sortiront de prison, ce qui ne devrait pas tarder vue l’indulgence habituelle des tribunaux… » (cf. aujourd’hui les rixes entre bandes de jeunes et la multiplication des déclarations sur la justice trop laxiste).
Insécurité et innovations – Jules Bonnot et sa bande ont innovés en mettant l’automobile au service de la délinquance alors que les forces de l’ordre se déplaçaient à cheval ou à vélo. Le périple meurtrier débute le 21 décembre 1911 à la Société Générale à Paris : c’est le premier braquage de l’histoire réalisé avec une automobile. Beaucoup d’autres vont suivre jusqu’à la fin de l’épopée en 1912 (cf. aujourd’hui les multiples exemples de cybercriminalité, dont les piratages informatiques avec demandes de rançon).
Denis Tardy