DIEU ET ÉTATS

 

Nul ne peut plus l’ignorer : le nouveau président des États-Unis a prêté serment sur une bible ; comme l’écrasante majorité de ses prédécesseurs. Étonnant pour nous, français laïcs… Mais après tout la démocratie américaine n’a-t-elle pas pour devise « In God we trust », qui figure sur les billets et pièces de la… devise américaine, le roi dollar. Faut-y-il rappeler que Jésus-Christ a préconisé « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » à un contradicteur l’interrogeant sur les relations entre pouvoirs temporel et spirituel ? Plus globalement, parmi les pays du monde ayant adopté une devise nationale (une cinquantaine seulement) un peu moins de trente font référence à Dieu¹. Et il existe encore des chefs d’états assurant aussi une fonction de chef spirituel, pour diverses religions. Vous avez dit Elisabeth II ou Mohammed VI ?

 

Surprenants États-Unis où Dieu est affiché dans la devise nationale, sur les billets de banque et jusque dans les cérémonies d’intronisation des présidents et cela dès l’origine : Georges Washington prêtant serment sur la nouvelle constitution ajouta in fine paraît-il « So help me God ». Ses successeurs ont tous, à l’exception de trois, choisis de traiter serment sur la Bible : John Quincy Adams (1825-1829), Theodore Roosevelt(1901-1909), plus récemment Lyndon Johnson (1963-1969). Mais les autres, sur quelle version de la Bible ont-y-ils prêté serment ? Le fait que Joe Biden ait choisi une bible catholique (bible de Douai, traduction en langue anglaise de la Vulgate) apparaît symbolique. Car on sait que deux présidents seulement était et est catholiques : Kennedy (1960-1963) et Biden. Par exemple, Donald Trump (2016-2020) s’est servi, tout comme Barack Obama (2010-2018) de la bible d’Abraham Lincoln. Or, on le sait, la bible dans sa version protestante diffère de celle des catholiques : les livres dits deutérocanoniques sont considérés comme ‘’apocryphes’’ par les protestants. Les évangélistes fervents soutiens de Trump ont-ils quelques points communs avec les catholiques descendants d’irlandais soutiens de Biden ? Les États-Unis ne sont pas pour autant une théocratie… à l’inverse d’un autre état, Israël, où le président élu, coiffé d’une kippa, prête serment, lors du début de son mandat, sur la Torah (premiers livres de la bible). Quant au chef du plus petit état du monde, le Vatican, il ne prête pas serment… Parce que, comme le rapporte l’évangéliste Matthieu, Jésus-Christ a enjoint de ne pas jurer « par le ciel » ?

De plus, le Vatican ne met pas en avant une devise nationale ; comme la majorité des états du monde : seuls une cinquantaine affichent une devise (faut-il rappeler le « liberté, égalité, fraternité » français ?). Et parmi ces pays (une trentaine) qui invoquent  Dieu dans leur devise, on retrouve des nations à majorité musulmane certes (Arabie, Afghanistan, Iran, Irak, Yémen, Maroc… entre autres), mais aussi catholiques : Royaume Uni (« Dieu et mon droit »), Pologne (« Dieu, honneur et patrie »), Philippines (« Pour Dieu, le peuple, la nature et le pays »), Monaco (« Avec l’aide de Dieu »), le catholicisme y étant religion d’état ; enfin luthérien au Danemark (« L’aide de Dieu, l’amour du peuple, la force du Danemark »).

On aurait gardé d’oublier, dans ce survol de la présence divine au sein des états de notre temps, les chefs d’états qui sont aussi des chefs spirituels : au premier rang Elisabeth II, chef de l’église anglicane d’Angleterre ; le guide suprême de l’Iran, Ali Khamenei ; le roi du Maroc Mohammed VI, commandeur des croyants ; le roi de Thaïlande Rama X, le Dalaï-Lama n’étant plus depuis les années 1950 dans ce cas.

Chez nous, c’est déjà du passé : certes le général De Gaulle fit célébrer un Te Deum en août 1944 à Notre-Dame-de-Paris pour la Libération, mais le président Vincent Auriol a fait supprimé l’oratoire du palais de l’Élysée quelques années plus tard… que De Gaulle fit rétablir en arrivant dans les lieux en 1958 en payant sur ses deniers les meubles et objets de culte. Depuis 2007, l’ex-chapelle sert de… salon d’attente pour les rendez-vous avec la Première dame.

Le principe de laïcité est sauf !