MINORITÉS RELIGIEUSES
Si notre président de la République ne les avait pas convoqué à la barre dans un nouveau procès entre ‘’Anciens et Modernes’’, les 350 000 amishs d’Amérique du Nord continueraient d’être méconnus par nos compatriotes. Si la Covid 19 n’avait pas obligé l’État d’Israël à confiner de nouveau ses habitants, on n’aurait pas révisé nos connaissances sur les ‘’craignant-Dieu’’, autrement dit les juifs ultra-orthodoxes, principales victimes de cette seconde vague. Si les ouïghours réprimés en Chine n’étaient pas l’objet de protestations de plusieurs pays auprès de l’empire du Milieu ces derniers temps, on continuerait d’être peu familiarisé avec l’importance de la population musulmane en Chine… comme en Birmanie avec les rohingyas. Les minorités religieuses forcent la porte de l’actualité en ce moment.
Connu pour leur mode de vie refusant le progrès (on a tous vu des photos de ces personnes vêtues à l’ancienne se déplaçant en voiture à cheval), les amishs qui labourent sans tracteur et pour le plus grand nombre bannissent l’usage de l’électricité ne sont pas, comme on pourrait l’imaginer, une population en voie d’extinction aux Etats-Unis : on en dénombre 330 000, alors qu’ils étaient 5 000 environ en 1900. En grande partie grâce à leur forte natalité, leur population double tous les 20 ans. Ce sont leurs croyances religieuses, issues de l’anabaptisme, qui fonde leur mode de vie en communautés, le plus souvent agricoles, le dos tourné à la société de consommation. On rappellera à notre Président que ces gens dont il se moque sont des descendants de français contraints à l’exil au début du XIXe siècle par le pouvoir dont il est de facto l’héritier, et que comme lui, ils sont baptisés à l’adolescence… Sans oublier que sans faire de prosélytisme, ils sont l’un des groupes religieux aux États-Unis connaissant la plus forte croissance : la lampe à huile aurait-elle des vertus et envisage-t-il d’inciter nos ‘’khmers verts’’ à émigrer dans ces communautés ?
Dans l’actualité aussi une autre minorité religieuse prônant un mode de vie éloigné des canons du modernisme, les juifs ultra-orthodoxes en Israël, autrement dit les haredim (‘’craignant-Dieu’’) connaissent comme les amishs une forte croissance démographique: ils représentent 10 % de la population de l’État hébreu, et 25 % des enfants juifs d’Israël. Vivant séparés des juifs laïcs, dans leurs quartiers voire leurs villes, opposés au modernisme, ils pèsent lourdement sur la vie politique israélienne avec leur quinzaine de députés à la Knesset (sur 120) contribuant aux difficultés pour former un gouvernement stable. Le fait qu’une personne sur deux testées positives à la Covid-19 appartienne à cette minorité, dans un contexte où la deuxième vague de l’épidémie a obligé le gouvernement à rétablir le confinement, a cruellement mis en lumière combien le mode de vie des ultra-orthodoxes a favorisé la diffusion du virus. Un formidable défi pour ceux qui considèrent que seuls les textes sacrés (la Parole de Dieu) gouvernent la vie, que la vérité scientifique n’existe pas : sans doute les plus extrémistes d’entre eux invoqueront-ils une ‘’punition divine’’ pour le peuple infidèle aux commandements, mais comment justifier que Dieu punisse ceux qui se conforme aux préceptes tout autant que les ‘’déviants’’… Vous avez dit Sodome et Gomorrhe ou encore Veau d’or ?
Toujours, dans l’actualité, des minorités cherchant à préserver leur spécificité, avec le réveil occidental à propos du sort réservé par l’état chinois aux ouïghours, ces musulmans (environ 12 millions) implantés dans la région de Xijiang à l’ouest du pays: sous le prétexte fallacieux de lutter contre le terrorisme, Pékin poursuit une campagne de ‘’rééducation’’. On sait ce que cela veut dire : la normalisation avec ses atrocités est en route comme ce fut le cas au Tibet. Ce qui entraîne l’émigration d’ouïghours vers d’autres pays d’Asie centrale, voire en Europe, en Australie, en Arabie saoudite, Indonésie, Pakistan… Ces ouïghours seront-ils les amishs de demain ou d’après-demain ? Tout comme les rohingyas de Birmanie (environ 2 millions), musulmans eux-aussi, en proie à l’hostilité des boudhistes majoritaires, qui ont fui au Bangladesh, sous la pression d’actes possiblement génocidaires d’après la Mission de l’ONU d’établissement des faits pour la Birmanie. Récemment la prix Nobel 1991 de la Paix, Aung San Suu Kyi, dirigeante du pays, a été exclue par le Parlement européen de la communauté des lauréats du prix Sakharov des droits de l’homme pour son inaction à propos des crimes contre la communauté rohingyas.
On pourrait aussi évoquer les chrétiens d’Orient. En tout cas une chose apparaît certaine : les minorités religieuses partout dans le monde bousculent de plus en plus les relations internationales, ainsi que ce que l’on appelait jadis le droit des gens (jus gentium), autrement dit le droit international.