Chronique du mardi 4 août 2020

 

 GOUVERNEMENTS

 

Les 42 membres du gouvernement de Jean Castex, 11 secrétaires d’État venant de se rajouter aux 16 ministres et 14 ministres délégués déjà nommés, représentent au total 5 postes ministériels de plus que dans le précédent gouvernement. Sans pour autant constituer un record comme les 52 ministres d’État, ministres, ministres délégués et secrétaires d’État de juin 1988. En revanche, en 1880, Jules Ferry était entouré de 9 ministres et 7 sous-secrétaires d’État. Retour sur l’évolution du nombre de membres des gouvernements français, de 20 ans en 20 ans depuis l’avènement  durable de la République.

 

1880, c’était l’époque où le président du Conseil (chef du gouvernement) assumait aussi une fonction ministérielle : Jules Ferry, en septembre de cette année, est aussi ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts ; son gouvernement compte 9 ministres : Affaires étrangères, Justice, Intérieur et cultes, Guerre, Marine et colonies, Finances, Travaux-publics, Agriculture et commerce, Postes et télégraphe, auxquels s’ajoute 7 sous-secrétaires d’État. Au total 16 membres donc dans ce gouvernement.

Vingt ans plus tard (juin 1899), le gouvernement Waldeck-Rousseau apparaît très comparable : le président du Conseil est aussi ministre, de l’Intérieur et des cultes, et l’on constate peu de modifications dans les champs d’action ministériels: les Colonies sont séparées de la Marine ; Commerce, Industrie, Postes et télégraphes forment un seul ministère, le ministre de l’Agriculture n’ayant plus en charge le Commerce. Et il n’y a qu’un seul sous-secrétaire d’État. Au total 12 membres donc dans ce gouvernement.

La guerre étant passée par là, en 1920 on repère des modifications marquantes dans la composition du gouvernement : une tendance affirmée d’augmentation du nombre de ses membres (28 au total) d’une part, un élargissement des domaines ministériels ainsi que la prise en compte de problématiques sociales d’autre part. Certes, c’est avec le gouvernement de Ferdinand Sarrien en mars 1906 qu’apparaît un ministère du Travail (la CGT a été créé en 1895), Gaston Doumergue étant ministre du Commerce de l’Industrie et du Travail ; mais le gouvernement Millerand innove avec un ministère du seul Travail, en plus d’un ministère de l’Hygiène de l’Assistance et de la Prévoyance sociale. En même temps se profile l’évolution vers un rôle accru de l’État dans l’économie : des sous-secrétariats d’État sont dédiés aux Ports, à la Marine marchande et aux Pêches, à l’Aéronautique et  aux Transports aériens, aux Mines et Forces hydrauliques. Au total 28 membres donc dans ce gouvernement.

Vingt ans plus tard, en mars 1940, le gouvernement de Paul Reynaud compte parmi ses membres un sous-secrétaire d’Etat nommé Charles de Gaulle, à partir du 6 juin, mais surtout, il  »explose les compteurs » avec une quarantaine de membres, plus soit dit en passant que le gouvernement du Front populaire en 1936. Serait-ce du à la guerre? Au total entre 36 et 41 membres donc dans ce gouvernement qui connut plusieurs remaniements.

Vingt ans plus tard le gouvernement formé par Michel Debré en janvier 1959 compte 20 ministres, dont 4 ministres d’État, 1 ministre délégué, 6 secrétaires d’État soit 27 membres. La 5e République inaugure un premier coup d’arrêt à l’inflation des ministres, l’un des derniers gouvernements de la 4e République, celui de Félix Gaillard en novembre 1957 comptant 36 membres ; mais 10 ans plus tard, en 1969, avec le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, le gouvernement est composé de 38 membres. Raymond Barre en mars 1977 ‘’fait mieux’’ avec 39. Pierre Mauroy, en mai 1981 ‘’perce le plafond’’ avec 44 membres, jusqu’à ce que Michel Rocard, en juin 1988 soit à la tête d’un gouvernement de 52 personnes (une armée mexicaine ?), record inégalé depuis.

Les 42 membres du gouvernement Castex d’aujourd’hui sont donc 10 de moins que le gouvernement Rocard de 1988 et 22 de plus que le  premier gouvernement Fillon de mai 2007, le plus ‘’maigre’’ de la 5e République (20 membres).

Finalement, les 67 millions de français d’aujourd’hui sont chouchoutés : ils ont un membre du gouvernement pour 1,6 millions d’habitants alors qu’en 1880 (population française de 39 millions d’habitants), c’était un ministre ou assimilé pour 2,4 millions d’habitants. Dans ces conditions, le pays ne pourra qu’être bien gouverné…

Denis Tardy

 

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