Chronique du jeudi 2 juillet 2020

 

TERRITOIRES

 

La pandémie du coronavirus et ses terribles conséquences pourrait bien… masquer d’autres tendances de fond de l’actualité. Xi Jinping, Poutine, Erdogan, Nétanyahou en effet poussent leurs pions ces derniers temps pour l’annexion de territoires. Autre caractéristique commune à cette bande des quatre annexionnistes, leur référence explicite ou implicite à de glorieux ancêtres.

 

Le président chinois XI Jinping met ses pas dans ceux de la dynastie mandchoue des Qing (1644-1912) en poursuivant l’expansion territoriale de son pays. Ces derniers jours, il montre les dents : en annonçant des exercices militaires autour de l’archipel des Paracels (Chine méridionale), zone revendiquée par le Viet-Nam et Taïwan ; en verrouillant l’opposition à Hong Kong avec la mise en œuvre de la loi sur la sécurité nationale qui va faire rentrer le territoire ‘’indépendant’’ dans ‘’l’Empire’’ ; en guerroyant au Ladakh, territoire disputé à la fois par la Chine et l’Inde. On sait ce qui s’est passé au Tibet. Taïwan a du souci à se faire.

Le président russe Vladimir Poutine, lui, vient de prolonger, grâce à un référendum qu’il vient de remporter, son bail au Kremlin de seize années. Il bénéficie de la durée donc pour poursuivre, à l’image d’un Pierre le Grand au début du XVIIIe siècle, l’extension territoriale de son pays. Plus personne n’envisage que la Crimée, annexée par la Russie en 2014, revienne à l’Ukraine ; et au Dombass, autre région disputée à l’Ukraine, en février dernier les forces pro-russes prenaient l’offensive alors qu’un échange de prisonniers au mois de décembre précédent laissait présager une dynamique de détente. L’offensive de février a échouée certes, mais Poutine a du temps devant lui, pas Angela Merkel et Emmanuel Macron qui tentent avec les accords de Minsk de trouver une solution évitant à l’Ukraine le sort de l’artichaut mangé feuille après feuille.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, ainsi que les deux présidents précédents, renoue aussi avec l’expansionnisme, celui de l’ancestral empire ottoman (1453-1923). Fin février, les forces turques occupant une partie du nord de la Syrie étaient violemment attaquées par les aviations syrienne et russe. Surtout, plus à l’ouest en Libye, en juin dernier, les forces turques ont sauvé la mise du gouvernement d’union nationale, empêchant le maréchal Haftar de prendre Tripoli. Syrie, Libye, on imagine mal Erdogan s’arrêter en si bon chemin.

Et de quatre avec Benyamin Nétanyahou qui devait annoncer l’annexion par Israël le 1er juillet d’une partie de la Cisjordanie. Comme avec Xi Jinping, Poutine et Erdogan, cette annexion s’inscrit dans une démarche expansionniste renvoyant à un passé glorieux, celui du roi David (Xe siècle avant J.-C.) dont on connaît l’histoire par la Bible ; il fit de Jérusalem la capitale de son royaume en même temps qu’il poussait les frontières de son état de l’Egypte jusqu’à l’Euphrate. Alors que l’on écrit ces lignes, la décision n’avait pas encore été annoncée. Un report plutôt qu’une annulation ?

Les habitants de Hong Kong, les ukrainiens, les kurdes, les palestiniens redécouvrent le vieux principe : « Ce qui est à toi est à moi ; ce qui est à moi reste à moi ».

Denis Tardy

 

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