Chronique du jeudi 4 juin 2020

 

AIR

 

L’air est dans l’air du temps. Bol d’air pour les déconfinés ; manque d’air cause de la mort de George Floyd, tout comme pour des centaines de milliers de personnes asphyxiées par le coronavirus ; trou d’air pour l’économie mondiale ; baptême de l’air pour le véhicule spatial  Crew dragon avec équipage ; orage dans l’air à Hong Kong ; airs connus avec les élections municipales. Et si, l’air de rien, l’actualité se donnait de l’air ?

 

Les plus hautes instances de l’État ont parlé de « Liberté qui va redevenir la règle », liberté retrouvée si l’on préfère, pour qualifier la fin du confinement, synonyme de bol d’air pour les français. Dommage que Jean-Paul Sartre ne soit plus là (il est décédé il y a exactement quarante ans, le 15 avril 1980) : il aurait pu donner une suite à la pièce

Huis clos (dont il estimait qu’elle était… drôle !), pièce où l’un des protagonistes argumente que « L’enfer, c’est les autres », autrement dit les autres sont le seul obstacle à la liberté de chaque homme.

George Floyd est mort de manque d’air, dans des conditions atroces sous le genou d’un policier, Derek Chauvin ; tout comme plus de trois-cent-quatre-vingt-mille personnes (alors que l’on écrit ces lignes) pour cause de coronavirus. À quoi pensait Derek Chauvin, durant ces huit minutes et quarante-six secondes durant lesquelles il immobilisait sa victime ?

Les milliards de dollar ou d’euro (on n’arrive plus à totaliser et surtout à distinguer entre annonce et abondemment effectif) qui ruissellent sur l’économie mondiale connaissant un trou d’air sans précédent, et notamment sur les compagnies… aériennes, nous  plongent dans la perplexité. Car depuis des dizaines d’années, on peine à trouver les milliards nécessaires pour lutter contre la faim et pour améliorer les systèmes de santé dans l’hémisphère sud, voire pour financer les solutions pour une planète plus verte.

Les deux astronautes n’en étaient pas à leur première mission, mais pour leur lanceur spatial c’était bien une ‘’première’’, un baptême de l’air : mission réussie le 29 mai dernier pour la société privée Space X. Cette relève du secteur public par le secteur privé pour la conquête de l’espace marque-t-elle un tournant ? En 1492, alors qu’émergeait l’organisation des sociétés en états, Christophe Collomb n’aurait pu lancer son expédition aboutissant à la ‘’découverte’’ de l’Amérique sans le financement de la reine Isabelle la catholique.

Il y a de l’orage dans l’air à Hong Kong. On imagine le président chinois Xi Jinping aimant grignoter à l’apéritif, comme il affectionne le grignotage diplomatique à la façon Hitler. Rien d’étonnant qu’il ait choisi cette période compliquée par la crise du coronavirus paralysant l’action des pays démocratiques pour ‘’resserrer la vis’’ à Hong Kong, et rapprocher encore un peu plus le moment où cessera l’application du principe « Un pays, deux systèmes ». Prochaine étape : Taïwan.

Quand bien même la situation apparaît inédite pour les prochaines élections municipales, ce sont des airs connus que l’on entend. Un deuxième tour devant se dérouler, probablement, cent-cinq jours après le premier offrait l’opportunité de changer la façon de faire de la politique, les états-majors des partis ayant le temps de concevoir des alliances privilégiant des programmes plutôt que des petits arrangements. Mais dans les milliers de communes (le plus souvent dont la population est importante) où les électeurs n’ont pas tranché, les alliances sont toutes de circonstance et à géométrie variable. Ce qui pose la seule question qui vaille : ces alliances carpe-lapin ont-elles d’autre but que de prendre le pouvoir à tout prix, sans savoir (et dire) pour quoi faire ?

Denis Tardy

 

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