Chronique du jeudi 25 avril 2019

 

GÉNOCIDES

 

À peine avait-on débuté les commémorations du génocide des tutsis au Rwanda, c’était le 7 avril dernier, 25 ans après, un deuil de 100 jours (le temps du génocide) étant prévu, qu’un autre génocide, celui des arméniens (avril 1915-juillet 1916) était commémoré mercredi 24 avril, dans notre pays pour la première fois officiellement. Schoah, Holodomor, Anfal et beaucoup trop de génocides aussi auront marqués le XX° siècle, sans que l’on soit assuré que l’humanité en ait finie avec de pareilles horreurs, toujours prêtes à resurgir comme en Birmanie ou en Irak.

Sûr qu’on n’était pas fâché de tirer un trait, en 2000, sur ce XX° siècle et ses horreurs, les guerres mondiales, les génocides aussi ; comme celui des arméniens, planifié-programmé, qui a ouvert en 1915 ce siècle de massacres.

Les arméniens, ce sont 2/3 de la population exterminée, 1 200 000 morts. Et une Turquie qui rechigne à ouvrir les yeux sur la réalité : la programmation/planification de ces massacres.

Et puis, il y eu les famines en Union soviétique. Et plus particulièrement en Ukraine, avec ce que l’on qualifie aujourd’hui d’Holodomor (littéralement extermination par la faim) occasionnant des millions de morts, en 1932-1933, entre 2,6 et 5 millions. Un génocide pour ses victimes, pas pour les bourreaux ; la communauté des historiens étant divisée sur cette qualification.

La Schoah a suivi, l’indicible ; on aurait pu penser que l’humanité en ait, une bonne fois pour toute, tiré les leçons. Que nenni. Les années 1975-1979 au Cambodge génocidaire ramènent l’horreur, 1 700 000 personnes, plus de 20 % de la population, disparaissent.

Moins de 10 ans plus tard, c’est en Irak que Saddam Hussein et ses séides se déchaînent : l’Anfal, le nom spécifique du génocide kurde fera entre 50 000 et 180 000 morts dans la population civile, le bombardement par armes chimiques de la ville d’Halabja (16 mars 1988) demeurant dans les mémoires avec ses 5 000 morts, essentiellement des femmes et enfants. 

Génocide encore, de 800 000 tutsis au Rwanda : 100 jours auront suffit (avril-juillet 1994) ! Génocide toujours, en 1995 et en Europe, avec les massacres de bosniaques musulmans (plusieurs dizaines de milliers) notamment à Srebrenica et Zepa.

Ainsi qu’une marée revenant inlassablement, les crimes génocidaires sont toujours d’actualité : en novembre 2016, le Sénat français proposait au gouvernement de reconnaître comme génocide les atrocités perpétrées par Daech contre les minorités ethniques et religieuses en Syrie et Irak, spécialement les chrétiens yézidis. Et en Birmanie, un rapport de l’ONU publié le 27 août dernier accusait la junte militaire au pouvoir de commettre un génocide contre les Rohingyas, minorité musulmane dans un pays boudhiste, dont plusieurs centaines de milliers ont été contraints de chercher refuge au Bangladesh.

Raphaël Lemkin, un juriste américain d’origine juive polonaise, décédé en 1959, se doutait-il en 1944, lorsqu’il créa le terme génocide, que son néologisme connaitrait une telle postérité ?

Denis Tardy

 

 

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