Chronique du jeudi 11 avril 2019

 

LIBRE ÉCHANGE

 

Saisissantes, les deux photographies publiées par l’AFP pour illustrer l’article consacré à la réunion des dirigeants européens des 10 et 11 avril dernier à Bruxelles aboutissant à un report du Brexit : on y voit Theresa May vêtue d’un tailleur bleu, exactement de la couleur du drapeau européen ; et Angela Merkel arbore elle aussi un ensemble de cette même couleur… Un dress code décidé de concert ? Au-delà de ce qui pourrait n’être qu’anecdotique (quoique…), la situation ubuesque créée par les britanniques pour leur sortie (ils vont voter pour désigner leurs parlementaires européens) ne trouve aucun équivalent dans l’histoire, même si le Blocus continental décrété en 1806, ou encore le traité de libre-échange Cobden-Chevalier de 1860 voire la création de l’AELE en 1960 fournissent quelques éléments de réflexion sur ce que pourraient devenir les relations économiques entre le Royaume-Uni et l’Europe.

21 novembre 1806 : à Berlin, l’empereur Napoléon instaure le Blocus continental interdisant l’accès aux marchandises britanniques en Europe. Un coup d’épée dans l’eau, les britanniques intensifiant leurs relations commerciales avec la Russie, les États-Unis, le Portugal, les états scandinaves. Les ‘’brexiters’’ les plus acharnés d’aujourd’hui s’en souviennent-ils lorsqu’ils avancent vouloir modifier structurellement le commerce extérieur britannique, caractérisé aujourd’hui par 51 % des importations provenant de l’Union européenne et 47 % des exportations étant réalisées avec les pays de cette même Union ? 

23 janvier 1860 : l’Empire français de Napoléon III et le Royaume-Uni s’engagent dans une politique de libre-échange, en abolissant les droits de douane sur les matières premières et la majorité des productions agricoles. Le traité entre les deux premières puissances économiques du monde n’a pas, semble-t-il fait progresser le commerce européen. Et pour l’économie française, l’effet ne fut que mesuré : à la fin du XIXe siècle, notre économie se fait dépasser par deux pays protectionnistes, l’Allemagne et les États-Unis.

4 janvier 1960 : le Royaume-Uni engage les norvégiens, les danois, les suisses, les portugais, les suédois et autrichiens au sein d’une convention dite de Stockholm. Objectif de cette Association Européenne de Libre Échange (AELE) : contrer la CEE (Communauté Économique Européenne), son union douanière et son marché commun. Les britanniques persistent et signent : leur alpha et omega, c’est le libre-échange, rien de plus. Quand bien même le Royaume-Uni adhère à la CEE (13 juillet 1972), Londres traine les pieds face à toute évolution d’approfondissement de l’unité européenne.

De quoi justifier la violente charge de Michel Rocard en 2014, qui reflète sans doute le fond de la pensée d’Emmanuel Macron aujourd’hui : « Partez donc avant d’avoir tout cassé. Il fut un temps où l’élégance était synonyme de britannique. Laissez-nous reconstruire l’Europe. Retrouvez l’élégance et vous retrouverez notre estime ».

Denis Tardy

 

 

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