Chronique du jeudi 4 avril 2019

 

FLEURS

 

Les manifestations en Algérie ces dernières semaines ayant abouti à la démission d’Abdelaziz Bouteflika ont beaucoup été commentées, en raison de leur ampleur mais aussi surtout de leur caractère pacifique. Mémoire courte ? Depuis 1974 et la ‘’révolution des œillets’’ au Portugal, que ce soient les tchécoslovaques en 1989 (‘’révolution de velours’’), les géorgiens en 2003 (‘’révolution des roses’’) ou les ukrainiens en 2004 (‘’révolution orange’’), avaient montrés l’exemple.

Le dictateur portugais Salazar, victime en 1968 d’un accident vasculaire cérébral ne s’était pas, comme Abdelaziz Bouteflika, maintenu au pouvoir : c’est Marcelo Caetano qui lui succéda, sans que le régime politique portugais ne change réellement de nature. Jusqu’à ce mois d’avril 1974 et un coup d’état militaire pas comme les autres, avec des milliers de portugais qui descendent dans la rue et mettent la fleur aux fusils (des œillets) des soldats insurgés. En deux jours, les 25 et 26 avril, le régime s’effondre, sans effusion de sang ou presque, quatre morts étant toutefois à déplorer lorsque des éléments de la police politique tirent sur la foule. La suite, avec deux années de troubles, sera moins… rose.

Quinze ans plus tard, c’est en Tchécoslovaquie que l’on assiste à un soulèvement populaire pacifique, d’où son nom de ‘’révolution de velours’’. S’inscrivant dans le contexte de la chute du ‘’rideau de fer’’, ces événements rassemblant des centaines de milliers de manifestants entrainèrent, sans effusion de sang, la fin du régime communiste.

Encore quelques années, on est en novembre 2003, en Géorgie, où Édouard Chevardnadze est en butte à d’importantes manifestations pacifiques consécutives à des fraudes électorales lors d’un scrutin parlementaire. L’opposant Mikheil Saakachvili se proclame vainqueur et envahit le parlement avec des manifestants portant des roses. Édouard Chevardnadze, lâché par l’armée, annonce sa démission. Saakachvili sera élu légalement président lors d’un scrutin organisé début janvier 2004. Et ses partisans remporteront les élections législatives en mars suivant. La ‘’révolution des roses’’ a éclos. 

Des élections perçues comme truquées, c’est cette même raison qui met dans la rue un demi-million d’ukrainiens en novembre 2004. Ce qui fut qualifié de ‘’révolution orange’’ (les manifestants brandissaient des drapeaux de cette couleur) aboutit, sans effusion de sang, à l’annulation de l’élection contestée de Viktor Ianoukovytch et, lors d’un nouveau scrutin à l’arrivée au pouvoir de Viktor Iouchtchenko.

Pour autant, toutes les révolutions, faut-il le rappeler, ne sont pas pacifiques et sans violences. Quand bien même elles portent le nom de fleurs… La ‘’révolution des jasmins’’ en Tunisie (2010-2011) ayant fait tomber la dictature de Ben Ali fut émaillée de nombreuses violences. Celle ‘’des tulipes’’ au Kirghizistan, mettant fin au pouvoir d’Askar Akaïev en mars 2005, sera aussi marquée par de longues journées de pillages.

Les manifestants algériens, eux, n’ont pas encore arboré de fleurs en guise d’emblème.

Denis Tardy

 

 

Retour