LABRADORS
Nemo est arrivé comme un chien dans un jeu de quilles. Son maître avait un mal de chien avec les sondages (lui étant défavorables) qui le traitaient comme… un chien : moins de français favorables à son action au bout de trois mois de mandat de président de la République que ses deux prédécesseurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy, il fallait réagir. La réplique fusa : faire venir un chien à l’Élysée. Mais pas n’importe quel chien et pas n’importe comment.
Emmanuel Macron n’est pas un président de la République comme les autres, qu’on se le dise. Menant une politique qui se veut ni de droite ni de gauche, il ne pouvait pas faire comme ses prédécesseurs à l’Élysée, avoir un chien de race labrador : son Nemo, croisement de labrador et de griffon, lui aussi témoigne d’une double filiation.
Sans compter que le Nemo en question, notre président est allé le chercher à la SPA : dans l’anthropomorphisme sous-jacent de cette adoption, on est prié de comprendre qu’Emmanuel Macron n’est pas , comme on le brocarde, le président faisant des cadeaux aux « riches » , qu’il porte un intérêt marqué aux déshérités.
Les présidents de la République passaient à l’Élysée, les labradors restaient : il y avait eu Jupiter de Georges Pompidou, labrador chocolat, les deux labradors de Valéry Giscard d’Estaing, Jugurtha, lui aussi chocolat, Samba, noir ; Baltique, la femelle labrador noire de François Mitterrand, qui l’accompagna pour son enterrement ; Maskou, un labrador noir offert à Jacques Chirac par la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal ; Clara, une femelle labrador sable offerte à Nicolas Sarkozy par la même faculté ; Philae enfin, femelle labrador noire de François Hollande, arrivée à deux mois et demi comme cadeau de Noël 2014 de la Fédération des anciens combattants français de Montréal.
Alors, certes, le président de la République voulait démontrer qu’il souhaitait rompre avec la façon d’exercer le pouvoir de ses prédécesseurs, mais il eut été dommage de se priver totalement de l’image véhiculée par le labrador, d’où le choix du croisé Nemo. Car les labradors n’hésitent pas à se jeter à l’eau, étant très bon nageurs et volontaires. N’est-ce pas un trait de caractère qu’aime afficher Emmanuel Macron ? Le labrador aussi témoigne de qualités altruistes, qui en font l’une des races prisées pour devenir chien de secours, d’assistance, d’aveugle. Notre président n’a-t-il pas mis en avant récemment une revalorisation de l’allocation adulte handicapé (AAH) ? Le labrador se révèle particulièrement utilisé par les services de police pour la détection des drogues ou d’explosifs. Mardi dernier, Emmanuel Macron expliquait que la lutte anti-terroriste était la « priorité absolue » de la politique étrangère française. Et puis surtout, le labrador est un chien qui n’aboie que très rarement. Particulièrement symbolique pour un président qui souhaiterait que la caravane de ses réformes passe sans que les chiens aboient…
Denis Tardy
PS : on aura garde d’oublier que parmi les soixante et quelques millions d’animaux de compagnie de notre pays, autant que de français, le nombre de chiens correspond à peu près au nombre de voix obtenues par Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle. En tête du palmarès : les poissons rouges (35 millions) loin devant les chats (12 millions).