Chronique du jeudi 13 juillet 2017

 

ISOLATIONNISME

 

La place de la Concorde à Paris portait bien son nom le 14 juillet dernier avec le couple Trump/Macron dans la tribune officielle du défilé de la fête nationale. Mais si les va et vient passé-présent commémoratifs soulignent l’importance d’ancrer l’avenir dans la réflexion sur le passé, encore faut-il en mesurer les limites.

 

Ils étaient cinq « sammies » (à qui ils ne manquaient pas un bouton de guêtre à leur uniforme, de soldat américain de 1918, sortant de la naphtaline) pour ouvrir le défilé du 14 juillet. Leur casque, britannique, rappelait qu’il y a 100 ans, les forces militaires américaines étaient à l’école des armées européennes. Situation radicalement inverse de celle qui prévaut aujourd’hui avec le gendarme de la planète en pointe dans les conflits armés, les forces militaires du Vieux monde faisant souvent office d’appoint.
Même enseignement avec la mise en perspective d’un Woodrow Wilson, 28e président des États-Unis avec Donald Trump, le 45e. Wilson, c’est celui qui fait passer son pays d’une posture isolationniste (en 1914, les États-Unis déclarent leur neutralité dans le conflit France-Allemagne) à une déclaration de guerre des États-Unis à l’Allemagne le 6 avril 1917. Et pourtant, son slogan de campagne lors de l’élection présidentielle de l’année précédente c’était « grâce à moi, l’Amérique est resté en dehors du conflit ». Trump sera-t-il le président suivant une démarche inverse de celle de Wilson en Europe, ses déclarations au sommet de l’O.T.A.N. fin mai dernier ayant provoquées l’inquiétude de ses alliés ?
Si les « sammies » du 14 juillet 2017 renvoyaient à ceux ayant participé  aux défilés de 1918 (place Dauphine) et de 1919, celui de la victoire, sur les Champs-Elysés, il y a en plus deux autres précédents de présence militaire américaine lors de notre fête nationale : un B17 Flying Fortress en 1984 (1) pour les 40 ans du débarquement de Normandie, et les cadets de West Point, l’école de formation des officiers américains, qui défilent en 2002 ; une école créée en 1802 et décorée de la Légion d’honneur. Une école aussi où étudia un certain Georges Patton, à la destinée singulière : il participe à la première puis à la seconde guerre mondiale en Europe, à la fois « sammy » et « G.I. » Si l’on préfère ; ce qui n’en fait pas un symbole d’une politique américaine isolationniste.
Georges Gerschwin lui non plus n’avait rien d’un partisan d’une Amérique repliée sur elle-même. Dans notre capitale en 1928, il achève la composition d’Un américain à Paris, poème symphonique qui fera le tour du monde, deviendra un film, une comédie musicale… Et utilise en plus des instruments de l’orchestre des klaxons de taxi, klaxons rapportés de Paris bien sûr, et ce n’étaient pas des Huber.
Dommage, pour le symbole, qu’à l’issue du défilé de vendredi dernier, la fanfare militaire ait préféré jouer du Daft Punk que du Gerschwin…

 

(1) Un avion en service alors dans une administration française.

Denis Tardy

  

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