Chronique du jeudi 30 mars 2017

 

MOLIÈRE

 

Amusant de constater que le nom de Molière a été choisi pour désigner un « clause », comprenez une mesure visant à imposer l’usage du français sur les chantiers publics, la clause Molière étant prévue (bien que contestée par l’État) dans les appels d’offres de certaines collectivités territoriales. Amusant cette référence à Molière si l’on se rappelle qu’à l’époque de création des pièces de Molière, la grande majorité des 20 millions de français ne parlaient pas le français mais des langues régionales… Toujours est-il que Molière redevient furieusement tendance dans l’actualité.
Outre avec la clause Molière, le grand comédien et dramaturge, et son œuvre, apparaissent dans l’espace politique : avec deux candidats à l’élection présidentielle (pour l’instant ?) Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Le premier lors d’un meeting le 19 mars à Paris est parti en guerre contre « les Tartuffe » : « Tartuffe que vous êtes ! Tartuffe Wauquiez ! Tartuffe Pécresse… Tartuffe François Fillon »… On remarquera simplement que Valérie Pécresse aurait pu lui retourner qu’elle se voyait plutôt en Elmire « agressée » par Tartuffe (acte III scène 2 « Couvrez ce sein que je ne saurais voir… »)
Le second, le professeur (de français) Mélenchon, en communiquant averti, a tout de suite vu le parti qu’il pouvait tirer de Molière dans la campagne présidentielle, et lui, c’est dans Les Fourberies de Scapin qu’il est allé chercher ses références, évoquant la réplique célèbre et répétitive de Géronte à Scapin (acte II scène 7) « mais que diable allait-il faire dans cette galère » en remplaçant galère par primaire en référence à Hamon.
Les autres candidats ont donc un boulevard devant eux, car les pièces de Molière regorgent de répliques toujours d’actualité : on peut proposer à ces candidats de piocher dans L’Avare pour dénoncer les propositions financières d’économies extrêmes (la célèbre cassette d’Harpagon), dans Les Femmes savantes pour ironiser sur des propositions absurdes de candidates, dans Le Misanthrope pour rappeler la vacuité de certaines réflexions d’électeurs… ces mêmes électeurs qui aspirent à avoir comme président de la République « un prince ennemi de la fraude/un prince dont les yeux se font jour dans les coeurs/et que ne peut tromper tout l’art des imposteurs/d’un fin discernement sa grande âme pourvue/sur les choses toujours jette une droite vue »… (Tartuffe acte V, scène 7).
Bref, on l’aura compris, il existe pour ceux des candidats à l’élection présidentielle qui n’atteindront pas au graal la possibilité de se reconvertir dans l’art théâtral, avec l’objectif de décrocher lors de la cérémonie célébrant les meilleurs acteurs un… Molière.

Denis Tardy

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